Cent quatre-vingts pays se sont mis d’accord, le 10 mai à Genève (Suisse), pour limiter les exportations de plastiques usagés dans le monde, en exigeant l’autorisation préalable de l’Etat destinataire pour l’exportation de déchets contaminés ou en mélange.
Sous le feu des projecteurs depuis plusieurs années, les déchets plastiques marins viennent d’entrer officiellement dans le champ d’application de la convention de Bâle, qui limite les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux. Objectif : « Rendre le commerce mondial des déchets plastiques plus transparent et mieux réglementé, tout en garantissant une gestion plus sûre pour la santé humaine et l’environnement », affirme le communiqué de presse publié à l’issue de la quatorzième conférence des parties (COP14).
Concrètement, les déchets plastiques contaminés ou en mélange sont intégrés à la liste orange, nécessitant désormais l’accord de l’Etat destinataire avant exportation. Une avancée majeure, proposée par la Norvège, alors que cent millions de tonnes de déchets plastiques se trouvent aujourd’hui dans les océans, dont 80 à 90% proviennent d’activités terrestres. Les pays exportateurs qui n’ont pas ratifié la convention, comme les Etats-Unis, y seront soumis aussi. En parallèle, un nouveau partenariat a été conclu pour mobiliser les ressources et les compétences des gouvernements, des entreprises, des universités et de la société civile afin de partager des bonnes pratiques, aux plans technique et financier.
Par ailleurs, deux nouveaux groupes de produits chimiques sont inscrits à l’annexe A de la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, dont la COP était commune avec celle de Bâle et de Rotterdam (sur les produits chimiques dangereux). Ce qui représente l’interdiction d’environ quatre mille produits chimiques composés de dicofol, un pesticide proche du DDT, et d’acide perfluorooctanoïque, un composé perfluoré utilisé comme anti-tâche et imperméabilisant dans les textiles, tapis, peintures, mousses anti-incendie et articles de cuisine. Enfin, la convention de Rotterdam est amendée pour faire entrer le phorate et l’hexabromocyclododécane à l’annexe III. Ce qui les soumet désormais à la procédure de consentement préalable en connaissance de cause avant de pouvoir être importés par un Etat.
Mobilisation citoyenne
Rolph Payet, secrétaire exécutif des trois conventions à l’ONU Environnement, a déclaré : « Je suis fier que les Etats parties à la convention de Bâle soient parvenus à un accord juridiquement contraignant sur les déchets plastiques ». Le fait que près d’un million de personnes ont signé une pétition appelant les Etats à agir à Genève n’y est sans doute pas étranger.
Une victoire pour les pays en développement
Même enthousiasme du côté du réseau Ipen, qui fédère des centaines d’ONG à travers le monde. « Grâce à cet amendement, de nombreux pays en développement vont, pour la première fois, avoir des informations sur les déchets plastiques entrant sur leur territoire et avoir le droit de les refuser », a déclaré Sara Brosché, conseillère scientifique de l’Ipen. Car pendant trop longtemps, les pays développés comme les Etats-Unis et le Canada ont exporté leurs déchets plastiques et toxiques vers l’Asie en affirmant qu’ils allaient être recyclés. Mais la plupart étant contaminés, ils ne pouvaient pas l’être et étaient enfouis, incinérés ou se retrouvaient au fond de l’océan. Selon le réseau, les Etats-Unis ont exporté l’an dernier cent cinquante-sept mille conteneurs de déchets plastiques en mélange vers des pays en développement.
Un million d’espèces menacées d’extinction selon un rapport
Dans un rapport sans précédent publié au début du mois de mai, le groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité (Ipbes) peint un tableau sombre de l’avenir de l’être humain qui dépend de la nature pour boire, respirer, manger, se chauffer ou se soigner. Car déjà un million d’espèces sont menacées d’extinction et le rythme s’accélère : « La nature qui permet à l’humanité de vivre est condamnée à poursuivre son déclin à moins d’un changement profond des modèles de production et de consommation des hommes », affirme le rapport. « Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier », décrit Robert Watson, président de l’Ipbes. Déforestation, agriculture intensive, surpêche, urbanisation galopante, mines : 75 % de l’environnement terrestre a été « gravement altéré » par les activités humaines et 66 % de l’environnement marin est également touché. Résultat : environ un million d’espèces animales et végétales sur les quelque huit millions estimés sur terre sont menacées d’extinction, dont beaucoup dans les prochaines décennies.
Les cinq principaux coupables de la menace d’une extinction massive sont clairement identifiés dans le texte sur lequel ont travaillé quatre cent cinquante experts pendant trois ans : dans l’ordre, l’utilisation des terres (agriculture, déforestation), l’exploitation directe des ressources (pêche, chasse), le changement climatique, les pollutions et les espèces invasives. Mais, même si l’accord de Paris sur le climat qui vise à limiter le réchauffement à maximum + 2 °C est respecté, le changement climatique pourrait grimper au classement, tout en aggravant les autres facteurs. Heureusement, certaines actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre pourraient aussi entraîner des effets bénéfiques directs sur la nature, permettant peut-être de sortir de ce cercle vicieux.
La balle est dans le camp des États
Alors que ce rapport évoque des pistes, sans être prescriptif, reste à savoir si les États membres de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique (COP15) se fixeront lors de leur réunion en Chine l’an prochain ? les objectifs ambitieux espérés par les défenseurs de l’environnement pour une planète durable en 2050.
Le rapport de l’Ipbes évoque d’autres outils à disposition des gouvernements pour améliorer la durabilité du système économique, comme des quotas de pêche efficaces ou une réforme des aides publiques et de la fiscalité. Il évoque même la nécessité de s’éloigner du dogme de la croissance. « Il s'agit de considérer la qualité de vie et non la croissance économique comme objectif », indique l’un des principaux auteurs du rapport, Eduardo Brundizio.