Le Conseil constitutionnel a annulé de facto, dimanche, l’élection présidentielle prévue le 4 juillet après avoir invalidé les dossiers des deux seuls candidats, préconisant le prolongement du mandat du président par intérim qui se termine le 9 juillet.
Le scrutin était censé permettre l’élection d’un successeur au président Abdelaziz Bouteflika, qui a démissionné le 2 avril, sous pression de la rue et de l’armée. « Le Conseil constitutionnel rejette les deux dossiers de candidature déposés » et annonce par conséquent « l’impossibilité de tenir la présidentielle le 4 juillet », a indiqué l’institution dans un communiqué.
« Avec cette décision, le pouvoir s’engage dans une voie dont il n’aura plus le contrôle. L’armée veut montrer qu’elle a fait preuve de bon sens et fait une concession face à une rue intransigeante », a indiqué Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, en Suisse.
Le Conseil a précisé qu’il revenait au chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, de « convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu’à l’élection du président de la République et la prestation de serment ».
Cette institution suggère ainsi la prolongation du mandat du président par intérim, nommé le 9 avril après la démission de Bouteflika. Selon la Constitution, il assume la charge de chef de l’Etat pendant « quatre-vingt-dix jours maximum », avant de transmettre ses pouvoirs au nouveau président élu dans l’intervalle. Abdelkader Bensalah, dont la principale mission est d’organiser la présidentielle, est maintenu de facto à son poste au-delà des délais prévus par la Constitution. L’Algérie entre donc dans une période de vide constitutionnel.
Devenu le véritable détenteur du pouvoir depuis le départ d’Abdelaziz Bouteflika, le général Gaïd Salah a réclamé la semaine dernière des « concessions mutuelles » dans le cadre d’un « dialogue » dont il n’a pas défini les formes, et une présidentielle « dans les plus brefs délais », sans évoquer la date du 4 juillet. Celui qui répétait qu’il fallait suivre la solution constitutionnelle se doit, cette fois, de faire des choix politiques, puisque la Constitution n’offre plus aucune option.
« L’objet du dialogue aujourd’hui, tel qu’il est proposé par le chef d’état-major, est d’aller vers l’élection présidentielle sous son contrôle, sous le contrôle du régime. Ils vont essayer de trouver des interlocuteurs qui vont leur sauver la mise. Et ils vont faire cela par le biais d’un dialogue qui va essayer peut-être de débaucher dans l’opposition ceux qui veulent aller à l’élection présidentielle, et il y en a », a expliqué Mouloud Boumghar, professeur de droit public et spécialiste des questions juridiques en Algérie.
Le pouvoir parie sur « un essoufflement » du mouvement de contestation durant les vacances d’été, estime Smail Maaraf, professeur de droit à l’Université d’Alger. Selon lui, les autorités espèrent que « cela ouvrira la voie au retour des partis politiques qui ont été éclipsés par le hirak et à des candidatures traditionnelles », comme celle d’Ali Benflis, principal adversaire de Bouteflika à l'élection présidentielle de 2004 et 2014.
La principale question à trancher reste donc celle de la transition. Le 2 juin, l’Association des oulémas a déjà fait une première proposition, évoquant une instance présidentielle de trois à cinq personnes. Des organisations de la société civile se réunissent régulièrement dans le but de proposer des feuilles de route de sortie de crise.
Le report de cette élection était l’une des principales revendications du mouvement de contestation, qui refuse tout scrutin organisé par l’appareil hérité des vingt ans de présidence d’Abdelaziz Bouteflika. Les manifestants réclament au préalable le départ des dirigeants actuels ayant participé au régime du président déchu, parmi lesquels le général Ahmed Gaid Salah, chef d’état-major de l’armée depuis 2004.