Tibor Nagy, secrétaire d’Etat américain adjoint chargé de l’Afrique, se rendra dans les prochains jours dans le pays pour appeler l’armée au pouvoir et les représentants de la contestation à la reprise du dialogue, a-t-on appris.
Selon le département d’Etat américain, l’émissaire « appellera à la fin des attaques contre les civils ». Une démarche qui vient à point nommé au moment où le mouvement de désobéissance civile lancé par la contestation maintient la pression sur les généraux au pouvoir à Khartoum, malgré un durcissement de la répression.
Le groupe de défense des droits numériques NetBlock estime que le Soudan est « presque totalement » coupé du monde après la dispersion sanglante d’un sit-in installé par les manifestants, le 6 avril, devant le quartier général de l’armée dans la capitale, et une mise en garde de l’armée. « Les connexions internet qui fonctionnent encore sont en train d’être coupées », a indiqué NetBlocks, alors que la contestation utilise internet pour relayer ses mots d’ordre.
Eu égard à cette situation, les Etats-Unis ont jugé nécessaire d’envoyer un émissaire à Khartoum après avoir condamné, la semaine dernière, les attaques contre les manifestants qui réclament le transfert aux civils du pouvoir après la chute du président Omar el-Béchir, le 11 avril, remplacé par une junte militaire.
Le 10 juin, le Conseil militaire de transition, dans un communiqué diffusé par l’agence de presse officielle Suna, a annoncé l’arrestation au sein des forces régulières de plusieurs personnes en lien avec cette dispersion sanglante. Il n’a précisé ni leur nombre ni leur fonction, encore moins de quoi elles sont soupçonnées.
D’autres médias officiels ont annoncé la « libération » du dirigeant rebelle Yasser Arman, chef-adjoint du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM-N), et de deux de ses camarades, Ismaïl Jalab et Moubarak Ardoul, interpellés en pleine répression de la contestation la semaine dernière. Mais les intéressés ont confié à la presse depuis Juba qu’ils avaient en fait été « expulsés » vers le Soudan du Sud et non pas « libérés ». Il faut signaler que le SPLM-N fait partie de l’Alliance pour la liberté et le changement, fer de lance du mouvement de contestation.
D’après un comité de médecins proche de la contestation, la répression au Soudan a fait cent dix-huit morts et plus de cinq cents blessés depuis le 3 juin, la majorité dans la dispersion du sit-in devant le siège de l’armée. Mais les autorités estiment à soixante et un le nombre de morts, dont quarante-neuf par des « tirs à balles réelles » dans la capitale.
Notons, pour rappel, que le Conseil militaire de transition est au pouvoir depuis la destitution, le 11 avril, du président Omar el-Béchir par l’armée sous la pression du mouvement de contestation lancé le 19 décembre dans un climat de crise économique aiguë. Depuis lors, les manifestants réclament un transfert du pouvoir à un gouvernement civil. Les négociations sont suspendues depuis le 20 mai en raison de divergences sur la composition d’une nouvelle instance qui serait chargée de mener la transition pendant trois ans. Malgré cela, la contestation a affirmé que le mouvement de désobéissance civile continuerait jusqu’à ce qu’un pouvoir civil soit instauré.