L'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont estimé, le 14 juin, que près de sept millions de personnes, soit 61% de la population, auront atteint les niveaux 3, 4 et 5 d’insécurité alimentaire en juillet, au plus fort de la soudure, période située après l’épuisement des récoltes de la saison précédente et avant les nouvelles récoltes.
La faim a encore progressé au Soudan du Sud, malgré la signature en septembre dernier d’un accord de paix qui a très largement fait cesser les combats dans ce pays en guerre depuis 2013. Le nombre de personnes confrontées à un manque de nourriture est le plus élevé de tous les temps, soulignent les agences onusiennes.
L’échelle IPC -Classification par phase de la sécurité alimentaire intégrée (plus connue sous son acronyme anglais IPC)- la plus utilisée pour classifier la sécurité alimentaire, distingue cinq phases possibles dans la situation alimentaire d’un pays, la cinquième étant celle de « catastrophe ».
Début 2019, ce chiffre était encore de 6,1 millions de personnes. Plus globalement, le rapport indique que près de vingt et un mille personnes seront probablement confrontées à une insécurité alimentaire extrême (phase 5 de l’IPC, soit le plus haut niveau d’insécurité alimentaire). Dans le même temps, environ 1,82 million feront face à une situation d’urgence (Phase 4 de l’IPC) et 5,12 millions d'autres seront en situation de crise d’insécurité alimentaire (Phase 3 de l’IPC).
Pour les Nations unies, la mise en œuvre effective de l’accord de paix et la stabilité politique sont impératives pour permettre une aide humanitaire urgente et renforcée de protéger les moyens de subsistance et de stimuler la production agricole à travers le pays afin de sauver des vies.
De nombreuses régions affectées
Par rapport aux prévisions de janvier dernier pour la période allant de mai à juillet 2019, quatre-vingt un mille personnes de plus sont confrontées à la phase 3 de l’IPC ou pire, en particulier dans les États de Jonglei, Lakes, Unity et Nord du Bahr el Gazal. « Les niveaux de malnutrition restent critiques dans de nombreuses régions et nous craignons que la situation ne s’aggrave au cours des prochains mois », a mis en garde Mohamed Ag Ayoya, représentant de l'Unicef au Soudan du Sud.
« La soudure actuelle a débuté tôt en raison des stocks historiquement bas récoltés lors de la saison 2018 et a été prolongée par le retard des pluies saisonnières en 2019 », ont souligné les agences onusiennes.
De plus, les prix élevés des denrées alimentaires causés par les mauvaises récoltes de l’année dernière, les perturbations du marché dues à l’insécurité, les coûts de transport élevés et la dépréciation de la monnaie contribuent également aux niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë.
L’instabilité économique, les effets du conflit, les déplacements de population et l’inflation galopante, entre autres, ont contribué à une réduction de l’accès à la nourriture. « La reprise de la production alimentaire et l’augmentation des rendements au Soudan du Sud reposent sur le maintien de la paix et il faut en donner une chance », a fait valoir Meshack Malo, représentant de la FAO dans le pays.
La réponse humanitaire
Pour répondre à la crise, l’Unicef et ses partenaires ont donc renforcé leurs services pendant la période de soudure afin de venir en aide à davantage d’enfants touchés par la malnutrition aiguë sévère. Plus de cent mille enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère devraient être atteints au plus fort de la période de soudure.
Pour faire face à l’augmentation des besoins, le PAM fournira à près de 5,1 millions de personnes, notamment des distributions de vivres pour sauver des vies et des programmes « argent contre travail » ainsi que des produits alimentaires en échange de travaux de construction et de réhabilitation des biens de la communauté, de la nourriture pour les cantines scolaires et des produits spéciaux pour la prévention et le traitement de la malnutrition chez les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes.
L’agence onusienne a également pré-positionné cent soixante-treize mille tonnes de produits alimentaires dans plus de soixante entrepôts avant le début de la saison des pluies, soit soixante-six mille tonnes de plus qu’en 2018. Le pré-positionnement précoce des aliments permettra non seulement de sauver des vies, mais aussi de réduire les coûts de livraison.
De son côté, la FAO, en plus de soutenir huit cent mille ménages d’agriculteurs, de pêcheurs et d’agropasteurs, procède à des vaccinations et à d’autres services vétérinaires afin de prévenir la mortalité animale à grande échelle.
Pour sauver la vie et le gagne-pain de millions de personnes au bord de la famine, le représentant du PAM, Ronald Sibanda, a plaidé pour l'accélération de la riposte. « Nous devons agir maintenant », a-t-il insisté.