Dérèglement climatique : 2050, la fin du monde

Mercredi, Juin 26, 2019 - 13:45

Une étude australienne évoque la fin de la civilisation dans trente et un ans si rien n'est fait pour freiner le réchauffement de la terre. Mais des climatologues soulignent qu'il s'agit du "scénario du pire" et qu'une autre issue reste possible.

C'est une mise en scène de Roland Emmerich, d'après un rapport produit par le think tank australien, Breakthrough-National center for climate restoration. Si rien n'est fait pour limiter le réchauffement climatique, "la planète et l'humanité auront atteint un point de non-retour'' à la moitié du siècle, dans laquelle la perspective d'une terre largement inhabitable entraînerait l'effondrement des nations et de l'ordre mondial, avancent les auteurs, David Spratt, directeur de recherche à Breakthrough, et Ian Dunlop, ancien cadre de l'industrie des énergies fossiles.

Selon eux, il existe "une forte probabilité que la civilisation humaine touche à sa fin" dans trois décennies. En dix pages, le rapport brosse un tableau apocalyptique. En 2050, la hausse de la température moyenne à la surface du globe aura atteint 3 °C. Plus de la moitié de la population mondiale sera exposée à des chaleurs létales au moins vingt jours par an. Et cette météo mortelle persistera plus de cent jours par an en Afrique de l'ouest, au Moyen-Orient, en Amérique du sud et en Asie du sud-est. Deux milliards d'habitants seront affectés par le manque d'eau. Des écosystèmes tels que la Grande Barrière de corail ou la forêt amazonienne se seront effondrés. Et en été, l'océan arctique sera navigable, libre de toute glace. Quant au niveau des mers, il aura augmenté de 0,5 mètre. Un demi-siècle plus tard, en 2100, la hausse sera de deux à trois mètres. Dans les régions tropicales, on comptera plus d'un milliard de déplacés climatiques. L'agriculture ne sera plus viable dans les régions subtropicales. Les récoltes mondiales auront diminué d'un cinquième. Et la population de la planète sera exposée à des risques de pandémies.

Le changement climatique représente maintenant une menace existentielle à court ou moyen terme pour la civilisation humaine. Dans ce "scénario extrême""l'ampleur des destructions dépasse notre capacité de modélisation", préviennent les auteurs de l'étude, reprenant les mots de l'ONG suédoise Global challenges foundation en 2018. Ce tableau extrêmement pessimiste s'explique.

Les auteurs de l'étude ont choisi de retenir les conséquences les plus graves du réchauffement climatique en partant du principe qu'elles sont souvent mises de côté dans les publications plus consensuelles, à l'image du rapport collégial du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). 

Aucune quelconque erreur du document dénoncée

David Spratt et Ian Dunlop "ont juste poussé à l'extrême les probabilités. Ils ont pris les plus faibles avec les conséquences les plus importantes", pondère Joël Savarino, directeur de recherche au CNRS et à l'Institut des géosciences et de l'environnement de Grenoble. Aucun des experts interrogés ne pointe, cependant, une quelconque erreur dans ce rapport, qui n'est pas une étude scientifique, mais "plutôt une compilation de certaines références et de rapports d'ONG ", précise Benjamin Sultan, directeur de recherche à l'Institut de recherches pour le développement.

''C'est un rapport qui présente une vision cauchemardesque, le scénario du pire, mais qui ne peut pas être exclu pour autant'', indique Gilles Ramstein, climatologue. Les conséquences d'un tel réchauffement climatique ne seraient donc pas irréalistes, tout au plus exagérées. Une hausse des températures de 3 °C d'ici à 2050 est ainsi une projection "assez extrême", nuance Frédéric Parrenin, directeur de recherche au CNRS. "Si on agit modérément, selon les engagements pris à Paris en 2015, une hausse de trois degrés arriverait plutôt en 2100 ", ajoute-t-il. Joël Savarino, évoquant cette possibilité si un mécanisme de rétro-action positive, c'est-à-dire une modification qui amplifie le changement climatique, s'installait.

 " Si les pergélisols, ces sols gelés en permanence en Arctique, se mettent à fondre à cause du réchauffement climatique, ils pourraient libérer de puissants gaz à effet de serre et ainsi nourrir le réchauffement." Alors, "La canicule de 2003, qui a fait quinze mille morts en France, pourrait devenir un été normal", prévient Henri Waisman, chercheur à l'Institut du développement durable et des relations internationales, spécialiste du climat et coauteur du rapport du Giec d'octobre 2018. De même, l'estimation du milliard de réfugiés climatiques avancée dans l'étude australienne est à prendre "avec prudence", insiste le climatologue belge, Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l'Université catholique de Louvain et ancien vice-président du Giec.

 "A la limite, peu importe le chiffre avancé, ajoute Henri Waisman, ce qui est vrai, c'est que des centaines de millions de personnes pourraient être affectées."  Car "aucune ville, aucune infrastructure portuaire n'est capable de s'adapter à une montée des eaux d'un ou deux mètres en quelques décennies ", remarque Joël Savarino.

Au-delà des conséquences "naturelles", le réchauffement climatique pourrait bel et bien entraîner une multiplication des conflits, comme l'affirme l'étude. "Le risque est possible dans certaines régions, notamment au Sahel pour l'accès à l'eau", confirme la climatologue Françoise Vimeux, directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement, malgré certaines incertitudes. Les modèles sur les cycles de pluie, par exemple, sont incertains." Le déséquilibre" proviendra de la nourriture.

Joël Savarino, glaciologue à Franceinfo, rappelle que la France compte à peine 3% d'agriculteurs dans sa population active. "Ça veut dire que 97% de la population est incapable de se nourrir toute seule." 

Noël Ndong
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