Selon un rapport du Centre d’analyse du terrorisme (CAT), le financement des organisations terroristes découle à plus de 20% du trafic de cigarettes.
En raison du contrôle qu'il exerçait sur la contrebande du tabac, le chef du réseau Al Qaida au Maghreb islamique, Mokhtar Bel Mokhtar, s’est vu affubler le surnom de “Mister Malboro”.
L'évolution et le maintien de ce business trouve son explication en partie en Europe. Même si l’augmentation du prix des cigarettes sur ce continent constitue une opportunité pour le marché noir, et qu'il a fait le lit de la contrebande, cette progression se trouve étrangement en Afrique. Pendant longtemps, les Etats se sont alignés sur les arguments de l’industrie du tabac qui estime qu’une hausse des droits appliqués aux cigarettes a pour contrecoup d’augmenter la contrebande, et d’alimenter les caisses du terrorisme. L’argument repose sur le fait que les consommateurs de tabac rechignent à s’aligner sur des prix plus élevés et donc, à se tourner vers un marché noir où la cigarette se commercialise moins chère que sur le marché officiel.
Pour le directeur régional de British American Tobacco, Chris McAllister, "l’absence d’une taxation appropriée à l’importation des produits de tabac (droits de douane et droits d’accises) constitue une opportunité considérable pour les contrebandiers". Il parle d'un manque à gagner de l’ordre de cent quatre-vingts mllions de dollars pour les pays africains entre 2013 et 2015, alors que les ventes de cigarettes de contrebande faisaient des recettes de cinq cent vingt-six millions de dollars sur la même période.
Le Maroc est en train de démontrer que fiscalité contraignante et la lutte contre le financement du terrorisme via le contrôle de la contrebande peuvent faire bon ménage, affirme-t-il.
En effet, entre 2015 et 2018, la part de la cigarette de contrebande dans la consommation du pays est passée de 12,48%, à 3,73%. Or, sur cette période, le royaume chérifien a procédé à plusieurs augmentations des droits appliqués au tabac, notamment de la taxe intérieure sur la consommation (TIC). En 2018, cette taxe a généré 10,8 milliards de dirhams. Cette année, les recettes devraient être plus importantes, alors que la TIC est passée de 53.8% à 58%. Outre la hausse des taxes sur le tabac, le Maroc s’est doté dès 2010 d’un Système automatisé de marquage intégré en douane.
Grâce à ce système, le pays a renforcé la traçabilité des produits soumis à la TIC, notamment le tabac et l’alcool. Il n’existe pas de solution unique à un problème aussi complexe que la contrebande, néanmoins, il apparaît clairement aujourd’hui que les industriels du tabac, comme les Etats, doivent se pencher sur l’hypothèse d’une fiscalité plus contraignante qui pourrait se révéler avantageuse pour les pays africains. Dans le même temps, ces efforts doivent aller de pair avec un renforcement des contrôles aux frontières et une harmonisation des législations relatives à la circulation du tabac dans la région, et une plus grande intégration.
Quoiqu’il en soit, il faut mettre fin à une fiscalité accommodante qui a montré ses limites, et chercher des solutions visant à enrayer une situation affectant des secteurs vitaux de l’économie africaine.