En dix ans, le nombre de conflits a doublé en Afrique. La Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) a identifié dix pays exposés à l'instabilité due à des conflits, au terrorisme, aux tensions sociales et politiques.
Plusieurs milliers de personnes ont défilé à Lilongwe (Malawi) pour dénoncer la réélection "frauduleuse", selon eux, du président Peter Mutharika. L'Algérie traverse des manifestations hebdomadaires réclamant, après le retrait d'Abdelaziz Bouteflika, la fin du régime. Les Soudanais sont dans la rue pour denoncer la vie chère et la pauvreté, la lutte entre les forces gouvernementales et l'insécurité dans le Darfour.
Au Cameroun, les affrontements dans les régions anglophones n'ont pas faibli. L'Afrique connaît 70000 décès par an dus aux conflits. Conflits, terrorisme, tensions sociales et politiques : " vont continuer à fragiliser et à déstabiliser le continent ", prédit la Coface dans son dernier panorama des risques politiques. En dix ans, le nombre de conflits et de celui des victimes à doublé en Afrique. À travers son prisme d'analyse (indicateurs sociaux, politiques et économiques), l'assureur-crédit identifie les tendances et les pays à surveiller. Selon cette approche, où le continent continue à attiser la peur des investisseurs, dix pays sont cités : l'Angola, le Cameroun, Djibouti, l'Egypte, l'Ethiopie, la Mauritanie , le Mozambique, l'Ouganda, la RDC et le Tchad, avec comme dénominateur commun "être ou continuer à être secoués par des troubles politiques". Dans certains de ces pays se profilent des élections générales dès octobre prochain.
Internet, instrument de mobilisation
Pour mesurer cette tendance, Coface tient compte des instruments de mobilisation (accès à internet, pression démographique), l’exaspération des populations alimentée par les pressions socio-économiques – chômage et pauvreté endémique notamment – exposent certains pays du continent à un risque d’instabilité future, a détaillé Ruben Nizard, économiste spécialiste de l’Afrique. En Algérie et au Soudan les manifestants se sont servis des réseaux sociaux pour mobiliser les populations. Ce qui a poussé d'autres Etats en proie à des agitations sociales à couper les connexions internet (RDC, Gabon, Soudan, Bénin) au nom du maintien de l'ordre public. Ces facteurs sociétaux peuvent jouer le rôle de catalyseur. De ce fait, nombre de pays –comme l’Éthiopie récemment – ont pris l’habitude de couper internet pour mettre fin à leurs tensions politiques naissantes. Les conflits ont été à l’origine d’une baisse des flux d’investissements et commerciaux, retardant le développement de certains pays du continent. Ces dernières années, les conflits ont connu une résurgence en Afrique, notamment liée à l’activité de divers groupes islamistes, particulièrement dans la région sahélienne, mobilisant les forces armées de certains États du continent et ciblant les populations civiles. Dans un contexte de progrès des instruments de la mobilisation, l’exaspération des populations, alimentée par les pressions socio-économiques, expose certains pays du continent au risque d’instabilité future. Sans nécessairement aboutir à des conflits de grande ampleur, comme en Libye, ou même à un changement de régime, un contexte socioéconomique fragile peut, à terme, provoquer des troubles susceptibles de générer, a minima, une incertitude de l'environnement politique. Cette dynamique pourrait potentiellement augurer d’une multiplication d’évènements politiques déstabilisants sur le continent à plus long-terme.