Tunisie: Beji Caïd Essebsi laisse un bilan « mitigé »

Samedi, Juillet 27, 2019 - 13:00

Le président tunisien décédé, le 25 juillet, à l’âge de 92 ans, laisse un bilan très mitigé à la tête de l’Etat, une incertitude juridique, faute de Cour constitutionnelle en capacité de légiférer en cas de vacance définitive du pouvoir.

Premier chef d'État de la République de Tunisie à mourir en fonction, à quelques mois de la fin de son mandat, Beji Caïd Essebsi n’a pas pu achever un mandat « progressiste » au bilan contesté, plongeant le pays dans l’incertitude. Une situation qui introduit le pays dans une nouvelle période post-révolutionnaire.

Après le décès de cette figure de la post-indépendance, la vacance définitive a rapidement été constatée. Le président de l'Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur, a été investi chef de l'État par intérim pour une période de quarante-cinq jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus, conformément à l’article 84 de la Constitution tunisienne.

Avant d’entamer « son mandat provisoire », l’intérimaire devra préalablement prêter formellement serment devant l’hémicycle. Une configuration qui pourrait perturber le calendrier fixé pour l'organisation des élections de l'automne, dans ce pays où la Cour constitutionnelle n’a pas encore vu le jour.

En 2014, le président de la République, ainsi que les députés, ont été investis pour un mandat de cinq ans, soit jusqu’en 2019. L’instance supérieure indépendante pour les élections avait fixé les dates des prochaines consultations législatives et présidentielle, respectivement pour le 6 octobre et 17 novembre 2019. Après le décès du chef de l'Etat, tout le calendrier a chamboulé. Déjà, la date de la présidentielle a été avancée au 15 septembre.

Un changement de calendrier qui risque d’irriter certains partis politiques

Dans la Tunisie post-révolutionnaire, la présidentielle était fixée après les législatives. Ce qui permettait au peuple d’élire un nouveau chef de l’Etat au vu de la composition du parlement. L’inverse qui devrait se mettre en place suite à la mort de Béji Caïd Essebsi pourrait favoriser les nouveaux venus en politique.

On s’attend donc à une campagne présidentielle aussi rapide qu’intense, car désormais ce n’est plus sur le nom d’un parti, mais sur la personnalité d’un candidat que la campagne se jouerait. Tout événement social ou sécuritaire pourrait ainsi fortement influer sur le prochain locataire du palais de Carthage.

La mort de Beji Caïd Essebsi met le pays dans une situation politiquement inédite et nouvelle, donc qui met aussi la transition politique tunisienne dans une posture tout à fait imprévue.

Une économie sur le fil du rasoir

Avocat de profession, redoutable diplomate, politique chevronné, Caïd Essebsi fut ministre sous Bourguiba, président du parlement sous Ben Ali et symbolise le passage réussi à la démocratie. Mais il est également celui qui n’aura pas réussi à sortir le pays d’un marasme économique problématique. Les inégalités sociales se sont creusées et perdurent. Le chômage des jeunes qui reste très élevé, a très peu évolué.

En 2016, en pleine vague de contestations sociales, Béji Caïd Essebsi en est réduit à passer sous les fourches caudines du FMI. 2,9 milliards de dollars sur quatre ans, contre la promesse d'assainir les finances publiques. Les attentats de 2015 ont fait fuir les touristes et tari l'une des sources principales de devises. En même temps, l'État tente de limiter la grogne sociale et refuse de couper dans les effectifs de la fonction publique pourtant pléthorique.

Dès lors, la monnaie décroche. Ces quatre dernières années, le dinar aura perdu près de 50% de sa valeur. Et l'inflation a bondi. Mais l'argent du FMI renforce la résilience d'un appareil industriel diversifié et performant, qui en 2007 par exemple était considéré comme le plus compétitif d'Afrique. La baisse de la monnaie finit par relancer les exportations. 2018 est l'année de la convalescence, d'autant que les touristes commencent à revenir sur les plages tunisiennes. Sur le fil du rasoir, l'économie se redresse peu à peu, pourtant le chômage et l'inflation restent à des niveaux trop élevés. Le quotidien des Tunisiens ne s'est guère amélioré sous la présidence Essebsi.

Partage du pouvoir avec les islamistes

Sur le plan politique, BCE fit campagne pour la présidence en 2014 sur son opposition à Ennahda. Mais le parti qu’il a fondé, Nidaa Tounes, devenu dans la foulée première force du pays au parlement, dirigera la Tunisie avec le parti islamiste.

Son dernier grand chantier sociétal fut sa volonté de légiférer pour l’égalité homme-femme dans l’héritage. Annoncée l’été dernier, la proposition est finalement restée lettre morte tant les divisions sur ce sujet l’ont emporté.

À la mort du président, la Tunisie n'en a pas fini avec la menace terroriste. Il y a un mois seulement, deux bombes explosaient dans la capitale, Tunis.

Après une hospitalisation, la veille de son décès au service de réanimation de l’hôpital militaire de Tunis, le président Beji Caïd Essebsi, surnommé « BCE » est mort le 25 juillet dernier, probablement d’une insuffisance respiratoire.

La date de son décès coïncide avec un jour férié, celui commémorant la création de la République tunisienne en 1957, après l’Indépendance. Il était au pouvoir depuis 2014, quand il succéde au premier président démocratiquement choisi de l'histoire du pays, Moncef Marzouki.

Ses funérailles, samedi 27 juillet, ont attiré une foule nombreuse et de nombreux dirigeants internationaux, dont le président français, Emmanuel Macron, le chef de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, le président algérien par intérim, Abdelkader Bensalah, ou encore le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit.

Beji Caïd Essebsi a été inhumé au cimetière Al-Jalaz, à environ 25 km du palais présidentiel, aux côtés des membres de sa famille. Celui que certains considèrent déjà comme le père de la transition démocratique restera, dans l’histoire, le premier président tunisien démocratiquement élu après la révolution de 2011. Fruit d’un scrutin qu’il a lui-même contribué à mettre en place.

Josiane Mambou Loukoula
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