Six mois après la signature de l’Accord de Khartoum par quatorze groupes armés, les attaques contre la population civile, les affrontements entre groupes armés rivaux et trafics d’armes se poursuivent à travers le pays, selon un récent rapport des experts de l’ONU.
Des efforts déjà consentis tardent à se concrétiser dans l’arrière-pays, toujours contrôlé à 80% par les groupes rebelles. Et tout cela prouve que la tâche reste immense dans un Etat déchiré par les crises sécuritaires où treize accords se sont succédé en dix ans. Pourtant « aucun des cinq autres accords signés depuis le début de la crise, à la fin 2012, n’avait mobilisé autant d’efforts de la part des protagonistes nationaux et internationaux », souligne le texte.
Si la situation militaire s’est stabilisée, depuis février, il convient de signaler que dans certaines provinces, les combats entre groupes armés et les attaques sur la population civile n’ont nullement cessé. S’y ajoutent meurtres, viols, braquages, détentions arbitraires, attaques sur les personnels humanitaires, alors qu’entre dix et soixante-dix violations de l’accord sont enregistrées chaque semaine par la mission de l’ONU en République centrafricaine.
Les experts de l’ONU notent aussi que « rien ou presque ne vient prouver que les combattants aient véritablement changé de comportement ou que leurs chefs aient entrepris d’identifier et de sanctionner les coupables ». « Les principaux groupes armés, en particulier les groupes de l’ex-Séléka, ont non seulement conservé leurs postes de contrôle, mais également renforcé leur mainmise sur certains territoires et acheté des armes », affirment les experts.
S’agissant du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique d’Abdoulaye Hissène et l'Union pour la paix en Centrafrique d’Ali Darassa, ils avancent que les deux groupes armés continuent de s’approvisionner en matériel de guerre aux frontières du Tchad et du Soudan, malgré l’embargo imposé au pays, et les promesses faites à Khartoum.
Des exactions signalées et bien d’autres problèmes sont décriés alors que la Minusca, seule force capable de se déployer rapidement dans le pays pour s’opposer aux violences, se contente de privilégier le « dialogue » à l’action militaire depuis de début de la mise en œuvre de l’accord.
A Bangui, la capitale, ainsi que dans les provinces, la population dénonce l’attitude actuelle de la force onusienne, soulignant que sa position actuelle est difficile à concilier avec son mandat de protection des populations civiles. Elle fait ce constat sans oublier que les troupes de la force internationale étaient intervenues pour dégager le corridor économique Cameroun-RCA, qui était temporairement bloqué par les miliciens du FPDC d’Abdoulaye Miskine. La population déplore également le fait que la Minusca n’a pas utilisé la force contre les éléments du groupe 3R, responsables du massacre de quarante-six civils, le 22 mai, à Paoua, dans le nord du pays. Ce qui avait suscité l’incompréhension de nombreux Centrafricains, qui attendent des mesures plus fermes pour mettre un terme aux exactions.
Répondant à de nombreuses critiques, le représentant spécial de l’ONU en Centrafrique, Mankeur Ndiaye, a assuré : « Paoua ne sera pas oubliée (…). On y travaille, au quotidien en mettant les pressions qu’il faut sur les responsables et en essayant de connaître exactement qui sont les donneurs d’ordre pour les arrêter ». Ces propos semblent ne plus convaincre, puisque plusieurs chefs de groupes passibles de poursuites judiciaires ont été intégrés au nouveau gouvernement « inclusif », formé le 3 mars, comme s’y était engagé le pouvoir centrafricain à Khartoum. Or, certains de ces leaders se montrent peu enclins à respecter les dispositions prévues par l’Accord de Khartoum.