Dossier 15 août : Les 60 ans des Bantous de la capitale, une belle épopée à relire

Mercredi, Août 14, 2019 - 21:15

Le mythique groupe congolais créé une année avant l’accession de la République du Congo à l’indépendance, célèbre ses soixante ans d’existence. Les Dépêches de Brazzaville retracent les péripéties qui ont conduit à la création de ce groupe par les six co-fondateurs.

Avant l’installation de la société congolaise de disque (Socodi) en 1970, les artistes du Congo Brazzaville, aussi talentueux étaient-ils, se rendaient de l’autre côté de la rive à Léopoldville actuel Kinshasa pour des enregistrements. A Kinshasa, il y avait beaucoup des studios d’enregistrement des Grecs, à l’instar de Goma, Opika, Essengo. Les artistes musiciens congolais de Brazzaville s’y étaient installés, jusqu’au moment où le ministre Tshombe, a organisé un mouvement de rapatriement de tous les étrangers. Un titre paru dans le journal « Le Courrier d’Afrique », annonçant qu’il n’y aura pas d’exception pour les musiciens Congolais. Dès lors, les musiciens Congolais résident à Kinshasa commençaient à se cacher. Finalement, ils ont pensé que c’était gênant et ont pris la décision de revenir au pays.

Revenus au pays, ils sont allés voir l’un de leur mécène qui les aimait bien, en la personne de Faignond père. Ce dernier les a reçus et leur offert un embryon d’instruments pour répéter. Très soudés, ils ont décidé de faire quelque chose de sérieuse pour prouver qu’ils étaient en mesure de donner le meilleur d’eux-mêmes, plus que ce qu’ils étaient à Kinshasa. C’est finalement, le 15 août 1959 que les six co-fondateurs vont crées Les Bantous de la capitale. Il s’est agi de : Edo Ganga, Saturnin Pandi (la batterie), Jean Serge Essous (1er chef d’orchestre), Nino Malepet (deuxième chef d’orchestre), Célestin Nkouka, Daniel Loubelo De la lune. Un grand concert est donné au bar Faignond.

Des nouveaux venus

Les six co-fondateurs avaient ramenés de Kinshasa deux guitaristes, Diki Baroza et Dinos. Après les avoir libérés pour inconduite, ils ont recruté Papa Noël. Ne se comportant pas bien, il a été libéré aussi. Comme l’orchestre manquait de guitariste, ils ont recruté Mpassi Mermans, qui était pourtant président d’un groupe musical, appelé Manda Negro. Les Bantous de la capitale étant le plafond de la musique congolaise, il a accepté d’intégrer ce groupe. C’était le même jour que Pamelo Mounka, Samba Mascotte, Théo Bitsikou,  ….. Ils ont été rejoint par Alfonso quelques mois après, puis ensuite Michel Boyibanda est venu aussi. Un an après Gerry Gérard est venu. Là aussi, tous sont morts à l’exception de Mpassi Mermans encore en vie.

Huit ans après c’est-à-dire en en 1967, lorsque le groupe revient du festival des Arts nègres de Dakar, il a recruté Ricky, qui n’a jamais quitté le groupe jusqu’à aujourd’hui, raison pour laquelle, il est appelé « le gardien du temple ». Cependant, le patriarche Edo Ganga est reparti à Kinshasa dans l’Ok Jazz en 1962, puis rapatrié de nouveau en 1964 et rejoint Les Bantous.

En 1972, le groupe a connu la première grande scission. Célestin Nkouka, Pamelo Mounka et Kosmos Moutouari sont allés crées l’orchestre « Le Peuple ». Edo Ganga, Théo Bissikou, Ange Linaud, Mpassi Mermans, sont allés créer « Les Nzoï ». N’étaient restés dans Les Bantous de la capitale que Nino Malapet, Ricky Siméon, Alfonso, et Lambert Kabako qui venait d’arriver. Ces derniers voyaient déjà la disparation des Bantous. Jean Serges Essous qui pouvait garder l’orchestre se trouvait déjà du côté des Antilles.   

Que de croiser les bras, Nino Malapet et Ricky Siméon, ont recruté des jeunes, dont Chico Pambou, Roger Mpikou, Brazza Antonio, Simon (l’actuel chef d’orchestre des Bantous) surtout des chanteurs et quelques guitaristes. La concurrence était très rude. Après avoir enregistré l’album, chemin faisant les dissidents ont réintégré Les Bantous grâce aux supporteurs, notamment le premier d’entre eux, Jean Jules Okabando. En effet, ça lui faisait mal de voir un ami à lui comme Pamelo Mounka avec lequel ils ont grandi ensemble et vécu dans le même quartier, partir des Bantous de la capitale pour aller ailleurs. Il les a fait revenir.

Après que les dissidents ont réintégré le groupe, il y a eu encore de nouveau des problèmes. Ils se sont séparés et les mêmes sont allés créer l’orchestre « Les Bantous monuments » avec à la tête Edo Ganga, Mpassi Mermos. Mais en dépit de tout, les Bantous ont toujours ressurgi.

Outre les départs, l’orchestre a connu aussi des adversités. La plus grande est celle qu’elle a connu avec les orchestres « Le Peuple » et « Kamikaze loningisa », surtout lorsque Youlou Mabiala était ensemble avec Locko Massengo et Michel Boyibanda. Les Bantous jouaient au Foyer des Anciens combattants de Moungali et Youlou Mabiala et son Kamikaze au Super Jazz qu’il a fini par baptisé Lofoulakari dans la rue Makoko. Les recettes des Bantous avaient connu une chute, parce qu’ils partageaient le public.

Les chefs d’œuvre des Bantous

L’orchestre Les Bantous de la capitale ont composé des milliers et des milliers des chansons, parmi lesquelles, Rosalie Diop, Comité Bantou, Libala ekeseni, … Quand la deuxième génération, celle des Mpassi Mermans arrivent dans Les Bantous, il y avait de la rumba sentimentale, mais cette génération a amené le rythme saccadé qui était au départ pris en mal par le comité Bantou, mais plus tard ils ont donné raison à cette génération, surtout avec l’arrivée de la chanson « Masuwa ». Cette chanson a apporté un changement dans le style des Bantous. Elle reste jusqu’à ce jour, le plus grand classique du Congo.

Quant aux souvenirs, le meilleur souvenir qu’ils gardent c’est le fait qu’en dépit des tumultes que le groupe a connu, l’orchestre est resté le même et le nom également : Les Bantous de la capitale. Ensuite ils ont découvert d’autres horizons. En 1978, Les Bantous de la capitale se sont rendus à Cuba sur invitation des responsables de ce pays, participer au onzième festival de la jeunesse et des étudiants. Ils ont passés dix-sept jours aller et dix-sept jours retour dans le bateau plus onze jours de festival. L’autre meilleur souvenir, c’est leur prestation avec le plus grand orchestre cubain, Aragon. Et enfin, la décoration de l’orchestre en 2010 par le président de la République, Denis Sassou N’Guesso, en qualité de Commandeur dans l’ordre du mérité congolais. Le mauvais souvenir pour eux, c’est le fait que tous les co-fondateurs sont morts à l’exception de Ganga Edo.

Que reste-t-il à faire après la commémoration des 60 ans ?

Soixante-ans après les sociétaires de cet orchestre vont s’assoir pour faire un bilan. Maintenant que les anciens s’apprêtent à laisser le relais à la jeunesse, ils se disent être regardant dans la façon de composer des jeunes. Ils ne cessent de le dire qu’ils ont apporté autant, à la jeunesse de faire autant avec des nouvelles compositions de haute facture.

Concernant Edo Ganga, notons qu’après la célébration des soixante-ans des Bantous de la capitale, le patriarche Edo Ganga, 86 ans, affirme qu’il continuera à garder la scène, parce que les jeunes ont encore besoin de lui. Il ne la quittera que le jour de sa mort. Il dit lui-même que comme un militaire il va mourir arme à la main.

Rappelons qu’à l’occasion de la célébration des soixante-ans des Bantous de la capitale, le groupe s’est produit, le 4 août à Pointe-Noire, organisé par l’Institut français du Congo de Pointe-Noire, le 10 août à Oyo, organisé par le gouvernement de la République, le 11 août à Brazzaville, organisé par l’Union européenne en collaboration avec l’Institut français du Congo.

Bruno Okokana
Légendes et crédits photo : 
Photo 1 : Les Bantous de la capitale (DR) Photo 2 : Le patriarche Edo Ganga entouré de Ricky Siméon à sa droite et Mpassi Mermans à sa gauche Photo 3 : Concert 60è anniversaire à Oyo
Notification: 
Non