Street art : une galerie aux portes de la grande poste de Pointe-Noire

Vendredi, Août 30, 2019 - 13:25

On est tout de suite émerveillé par le patchwork de couleurs que forment les tableaux de peinture sur la façade de la grande poste de Pointe- Noire. Un lieu chargé d’histoires puisqu’il a vu naître d’imminents artistes et est devenu, au fil des ans, un  lieu de rencontre, où artistes de la place et touristes échangent en toute convivialité autour de l’art. Pourtant la vie n’est toujours pas rose pour ces artistes autodidactes, qui se sentent quelquefois lésés vis-à-vis de leurs collègues sortis de l’école de peinture de Poto-Poto.

Tapis de toiles colorées, l’entrée de grande poste de Pointe Noire attire inéluctablement la curiosité des passants, badauds, touristes... Ngoma Albert, Rosy Guy Mack et pleins d’autres artistes exposent régulièrement sur cette place qui est aussi devenue leur lieu de travail. Self-made-men ou encore autodidactes, pour la plupart, leur touche artistique coloriée, leur expérience, leur imagination et leur dévotion pour le travail ont permis à ces derniers de se faire connaître à travers le monde via la vente de leurs œuvres. Une reconnaissance que certains de leurs collègues, notamment ceux sortis de l'Ecole nationale de beaux-arts et de l'École de peinture de Poto-Poto, contestent. «  Ce ne sont pas des artistes à part entière car ils ne sont pas allés dans des écoles pour apprendre. La peinture, tout comme le théâtre, est un art. Et il faut absolument se munir d’une base», a laissé entendre un artiste et professeur de dessin de l'Ecole nationale de beaux-arts (Enba) qui a requis l’anonymat.

Une conception à laquelle n’adhère pas M. Albert Ngoma, artiste autodidacte, qui a déclaré : «Dans l’art, tout le monde à sa place, autodidacte ou non. En ce qui me concerne, je me suis formé sur le tas, mais cela ne m’empêche pas de vouloir explorer de  nouvelles techniques, de sortir de ma zone de confort… Donc, j’apprends tous les jours via des manuels ou en travaillant avec d’autres artistes ».

Se contenant difficilement, Rosy Guy Mack, artiste autodidacte, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. « Aller à l’’école c’est bien, mais encore faut-il avoir le talent et cela l’école ne l’enseigne pas. En ce qui me concerne, c’est tout simplement une passion qui me dévore et lorsque je ne peins pas, c’est comme si j’étais mort»,  a fait savoir ce dernier qui considère la peinture comme une belle femme, qu’on convoite, admire et avec laquelle on a envie de passer du temps. Faire de la peinture pour Rosy est une vraie bouffée d'air. «C’est l’une des raisons qui m’aide à vivre car je peux exprimer tout ce que je ressens,  ma joie, ma colère, mes espoirs, mes peurs», a dit ce dernier. «Oui, la composition, la couleur et le dessin ont des règles qu’il est utile de maîtriser pour progresser. Mais je crois aussi qu’il faut parfois s’en libérer pour trouver sa voie », a informé Jussie Nsana, ancienne élève de l'Enba, peintre et caricaturiste.

Autodidactes ou peintres qualifiés, M.Ngoma Albert a avoué toutefois que ce débat n'a pas sa raison d'être pour l'heure. Selon lui, la promotion de la culture congolaise est plus importante. « Alors que les Chinois nous inondent de leurs tableaux et que le consommateur congolais en est friand, quelle politique les soi-disant artistes qualifiés ont mis en place pour remédier à ce problème », s'est-il interrogé. Il a ajouté : «Au lieu de revendiquer des statuts, il serait préférable que nous nous unissons afin de faire connaître à nos compatriotes nos œuvres qui sont le reflet de notre société.»  Et de s’insurger sur les taxes que leur imposent la mairie : «Que le ministère des Eaux et Forêts, la douane, la police taxent les objets d’arts aux touristes. Une œuvre achetée par un touriste à 10000 ou 20000 FCFA est taxée doublement par la douane. Il y a problème, la prochaine fois le touriste n’osera pas prendre de souvenir. »

Rosy Guy Mack a aussi émis l’idée que les artistes se retrouvent de façon régulière pour promouvoir ce secteur via des expositions, des séances de travail et des formations. « L’artiste vit dans une précarité et il est impératif que nous nous organisions pour faire avancer les choses dans ce secteur en attendant que le gouvernement nous donne un coup de pousse », a-t-il révélé,  espèrant voir naître des musées pour promouvoir les œuvres des doyens comme Lutumba, Kalombo dont les œuvres sont éparpillées çà et là.

Berna Marty
Légendes et crédits photo : 
La galerie aux portes de la grande poste de Pointe Noire
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