Le groupe Enact estime à deux cents milliards de dollars, le marché mondial de faux produits pharmaceutiques en 2018. Le phénomène est devenu une industrie lucrative et un défi à relever pour les gouvernements. Le continent noir le plus touché par ce trafic et paie en vies humaines par des pertes économiques.
En 2017, un médicament sur dix en circulation dans les pays sous-développés était faux, selon l'Organisation mondiale de la santé. 42 % des cas détectés de produits pharmaceutiques inférieurs aux normes ou falsifiés ont été identifiés en Afrique, principalement dans la région subsaharienne. Ce qui place le continent africain en tête des régions les plus exposées aux ravages des faux médicaments, loin devant les Amériques et l'Europe avec 21% des signalements.
La plupart des produits contrefaits proviennent d’Asie. D’après l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, les cinq principales origines des médicaments frauduleux et contrefaits sont la Chine (60%), l’Inde, le Paraguay, le Pakistan et le Royaume-Uni.
Les faux médicaments pénètrent le marché africain par les ports. En septembre 2016, près de cent vingt-six millions de faux médicaments ont été saisis par l’Organisation mondiale des douanes dans seize ports africains. Le Nigeria représente la destination finale de 35% de ces saisies.
L’une des principales causes de la forte présence des faux médicaments relevée en Afrique est la disproportion entre le prix élevé des produits pharmaceutiques de qualité et le faible pouvoir d’achat de se population. Alors que le continent ne produit quasiment pas de médicaments (environ 3% de la production mondiale), les pays africains enregistrent des prix à la vente excessivement élevés. Plus de la moitié de la population mondiale vivant avec moins de 1,90 dollar par jour habite en Afrique subsaharienne où les pays dépensent pour la plupart moins de 100 dollars par habitant en santé.
Face à ces coûts prohibitifs, la population préfère généralement effectuer ses achats de médicaments dans le circuit informel, auprès de vendeurs offrant des produits à des prix très abordables, mais dangereux pour leur santé. Au-delà du coût élevé des produits pharmaceutiques vendus sur le continent, la prolifération des faux médicaments est également due à la faiblesse de la règlementation dans les pays du continent. La corruption et le manque de contrôle au niveau des douanes africaines y facilitent également l’entrée illégale des faux médicaments.
Des frontières poreuses
La faiblesse du contrôle exercé par les Etats sur l’industrie et la distribution pharmaceutique entraîne une invasion des marchés, même formels, par les médicaments de faible qualité, voire nocifs. Les besoins de la population pour soigner les maladies ayant un fort taux de prévalence en Afrique, telles que le paludisme et la tuberculose, créent un énorme marché, attirant à la fois les groupes pharmaceutiques légaux, mais également les organisations criminelles.
D’après l’Institut de recherche anti-contrefaçon de médicaments, mille dollars investis dans ce secteur rapporteraient jusqu’à cinq cents fois plus aux organisations criminelles, soit dix fois plus que le trafic d’héroïne. Un marché dont l’explosion sur le continent est facilitée par la porosité des frontières interétatiques, qui favorise la circulation de ces produits contrefaits entre les pays africains.
Trop de décès attribués aux médicaments contrefaits
Les faux médicaments ont des conséquences sur la santé des individus qui les prennent. Lorsqu’ils ne prolongent pas la maladie, ils créent des soins inutiles, des arrêts de travail prolongés, voire la mort. D’après la London school of hygiene and tropical medicine, entre 64 000 et 158 000 décès liés au paludisme sont causés, chaque année, en Afrique subsaharienne, par les faux médicaments. Une étude de l’université d’Edimbourg indique qu’entre 72 000 et 169 000 enfants décèdent probablement chaque année d’une pneumonie traitée avec des antibiotiques de qualité inférieure ou falsifiés.
Au-delà des effets négatifs sur la santé des Africains, le phénomène induit également des coûts économiques énormes pour les pays, plombant les perspectives de croissance d’une industrie pharmaceutique africaine encore embryonnaire. Dans une étude publiée dans la revue American Journal of Tropical medicine and hygiene, Sachiko Ozawa, professeur à l’université de Caroline du Nord, indiquait qu’en République démocratique du Congo " les antipaludéens falsifiés ou de mauvaise qualité comptent pour 20,9 millions de dollars (35%) ".