Les pays africains producteurs de bananes ont appelé à la mise en place d'un nouveau mécanisme de régulation du marché pour remplacer l'appui de l'Union européenne (UE) qui s'achève en 2019. Un mécanisme permettant d'aider la filière du continent face la concurrence latino-américaine.
Réunis en Côte d'Ivoire, les producteurs africains ont rédigé un texte intitulé Appel d’Abidjan pour permettre à toutes les parties "d'exister et de se développer, sans tomber dans une guerre des prix qui serait tout aussi néfaste pour le consommateur que pour le producteur européen (11% des bananes consommées dans l’UE. "Ils demandent la mise en place d’un système de régulation du marché européen. "Le comportement des consommateurs dans l'Union européenne a changé : l'accent est mis aujourd'hui sur les aspects sociaux, l'environnement et la santé. Ce changement de comportement s'est traduit dans une pression sur les institutions européennes à laquelle elles ne peuvent se soustraire", a déclaré Jobst von Kirchmann, représentant de l'UE. La prolongation du mécanisme de stabilisation au-delà de 2019
Concernant les "aspects sociaux" , l’enjeu du dossier est crucial pour le continent africain. La filière banane représente quelque 60 000 emplois directs. Et son principal débouché commercial est l'UE qui absorbe 90% de sa production. L'Amérique du Sud et l’Amérique centrale (Guatemala, Costa Rica, Equateur, Pérou…) sont des concurrents redoutables, qui fournissent à l’UE plus de trois-quarts de ses bananes. Avec 607 000 tonnes, l’Afrique représente moins de 10% du total consommé en Europe.
En 1993, une "guerre de la banane" débute entre l'Europe et les grands pays producteurs d'Amérique Latine. L'UE a alors décidé d'accorder un régime douanier préférentiel aux pays ACP, pour la plupart d'anciennes colonies européennes. Les pays d'Amérique Latine portent l'affaire devant l'Organisation mondiale du commerce, jugeant ces préférences douanières illégales. Les deux parties finissent par conclure un accord en 2009, en planifiant la diminution progressive des droits de douane sur les "bananes dollar", d'Amérique latine.
Des détaxes pour les pays africains étaient accordées dans le cadre d’accords bilatéraux. L'UE avait aussi accordé un programme d'aide aux pays ACP, dit d’accompagnement, sur la période 2013-2019. Objectif : améliorer la compétitivité, les conditions environnementales de production, la qualité de vie des travailleurs, tout en développant le marché local et régional du fruit oblong.
Mais avec la remise en cause du mécanisme européen, l’avenir de la banane africaine est incertain. "En 2020, il n'y aura plus que 75 dollars d'écart à la tonne entre la banane ivoirienne et la banane équatorienne, colombienne ou costaricaine importées en Europe (…). Bruxelles met en outre fin au programme d'accompagnement (…) qui bénéficiait au secteur africain", rapporte RFI.
Le Brexit accentue le risque : les problèmes d’Albion risquent de bloquer l’entrée du Royaume-Uni aux bananes d’Afrique. Le continent tente de défendre sa production et ses débouchés en demandant la mise en place d’un nouveau mécanisme fonctionnant de manière plus efficiente. "L'offre est chroniquement supérieure à la demande. Si l’on n’a pas un minimum de régulation, sera la mort des plus faibles ou des plus petits que sont les ACP", a expliqué le président d’Afruibana, Joseph Owana Kono. On est actuellement "dans une configuration gagnant-gagnant".
Car les bananes africaines sont transportées par des bateaux européens, traitées dans des mûrisseries européennes… "Les bananes que nous produisons créent aussi de l’emploi en Europe", a-t-il rappelé.
Les lobbyistes africains à Bruxelles font valoir qu’"on ne peut pas vouloir limiter l'émigration africaine vers l'Europe et dans le même temps lâcher un secteur qui a créé des dizaines de milliers d'emplois au Cameroun, en Côte d'Ivoire et au Ghana".