La rencontre tant voulue par le président camerounais, Paul Biya, pour tenter de résoudre le conflit séparatiste qui sévit dans les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, s’est ouverte, le 30 septembre à Yaoundé, en présence du Premier ministre, Joseph Dion Ngute.
Les pourparlers doivent s’achever le 4 octobre et ont commencé après quelques mots d’un maître de cérémonie. Le chef du gouvernement a, quant lui, dans un discours en anglais puis en français, appelé à un "sursaut national", affirmant:"Nous sommes ici pour chercher à donner un rayon de lumière dans la nuit noire des turbulences actuelles".
Le cardinal Christian Tumi, qui avait salué l’annonce du dialogue par le chef de l’Etat camerounais et supplié les séparatistes à y participer, était présent ainsi que John Fru Ndi, président du Social democratic front (SDF), premier parti d’opposition à l’Assemblée nationale, même si cet opposant historique n’a pas le soutien des séparatistes.
Les sécessionnistes sont absents des discussions parce qu’ils exigent, entre autres, un retrait de l’armée dans leurs régions, la libération des détenus anglophones ou l’organisation de négociations dans un pays à l’étranger. Leur absence ne surprend guère puisque l’un deux, Mark Bareta, présenté par Yaoundé comme celui qui a montré le plus d’ouverture, avait annoncé, le 27 septembre, qu’il ne participera pas aux assises. « La seule façon de mener de véritables négociations était de le faire sur un terrain neutre », soulignait-il.
La crise anglophone dont les autorités veulent à tout prix trouver une solution durable a des causes assez lointaines. En effet, après la Première Guerre mondiale, le Cameroun, ancienne colonie allemande, avait été partagé par la Société des nations (ancêtre de l’ONU), entre la France et le Royaume-Uni.
La partie française accéda à l’indépendance en 1960. Un an plus tard, celle sous tutelle britannique (le Nord majoritairement musulman) opta pour son rattachement au Nigeria mais l’une de ses zones se rattacha au Cameroun francophone, pour former une République fédérale à partir du 1er octobre 1961. Douze ans plus tard, soit en 1972, un référendum mit fin au fédéralisme.
C’est à partir des années 1990 que les revendications anglophones vont se multiplier en faveur d’un référendum d’indépendance. En 2001, des manifestations interdites lors du 40e anniversaire de l’unification dégénèrent, avec plusieurs morts et des leaders séparatistes arrêtés.
La contestation demande la création d’un Etat indépendant
S’il y a eu une sorte d’accalmie depuis lors, il faut dire que des ambitions séparatistes étaient toujours caressées par les originaires des régions anglophones. Résultat : les tensions actuelles ont fini par émerger en novembre 2016, avec les revendications d’enseignants déplorant la nomination de francophones dans les régions anglophones.
Les juristes de la zone rejetaient ouvertement la suprématie du droit romain au détriment de la « Common Law » anglo-saxonne. Dans leurs revendications, la majorité des leaders de la contestation demande un retour au fédéralisme alors que d’autres veulent la création d’un Etat indépendant, l’«Ambazonie ».
La crise anglophone se solde, dès le mois de décembre de la même année, par la mort de premiers civils. D’autres seront tués lors de marches de protestation durement réprimées par la police. Le 17 janvier 2017, plusieurs leaders anglophones sont arrêtés, accusés d’« actes de terrorisme ». Le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, lève les poursuites en août.
L’International crisis group estime qu’à ce jour, les affrontements armés, mais aussi les exactions et crimes commis par les deux camps contre les civils, ont fait plus de trois mille morts, et l’ONU note que plus de cinq cent-trente personnes ont dû quitter leur domicile du fait de la crise.
Dans le but de résoudre le conflit, le président Paul Biya annonçait, le 10 septembre, la convocation d’un dialogue national de cinq jours.