Plusieurs experts soutiennent que les guerres commerciales, dont celle déclenchée l’an dernier contre la Chine par le président américain, Donald Trump, restreignent la capacité des pays pauvres à s’extirper de cet état.
« Les tensions commerciales ont accru l’incertitude, ce qui a soudainement diminué les investissements », estime, par exemple, l’économiste en chef de la Banque mondiale, Pinelopi Koujianou Goldberg. L'économiste greco-américaine pense que la diminution « significative » de ces investissements est d’autant plus problématique que ceux-ci ne s’étaient « jamais vraiment redressés après la crise financière » de 2008. Si cette tendance se poursuit, « certains pays ne parviendront jamais à sortir de la pauvreté », prévient-elle, ajoutant que de cette façon, « des pays qui avaient réussi à s’extirper de la pauvreté, aujourd’hui considérés comme économies à revenus intermédiaires, pourraient regresser ». Et sans croissance, les gens resteront englués dans la pauvreté, condamnés à survivre avec moins de 5,5 dollars par jour.
Reconnaissant que de nombreux économistes avaient sous-estimé les répercussions de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine lancée en mars 2018, Pinelopi Koujianou Goldberg a dit : « Nous étions nombreux à penser que les tensions commerciales étaient un phénomène temporaire et qu’elles auraient déjà disparu aujourd’hui ». Au contraire, ces tensions ont « dégénéré » au fil du temps et personne ne sait comment elles vont se terminer, a-t-elle déploré.
La Banque mondiale a rendu public, le 8 octobre, un rapport dans lequel elle évoque les conséquences néfastes de la guerre commerciale actuelle. Le texte note que si le conflit commercial venait à s’aggraver et à saper encore davantage la confiance, « les effets sur la croissance mondiale et la pauvreté pourraient être considérables ». L’institution ajoute : « Plus de trente millions de personnes pourraient sombrer dans la pauvreté et le revenu mondial pourrait chuter, jusqu’à mille quatre cents milliards de dollars ».
Tenant compte de cette réalité des faits, Pinelopi Koujianou Goldberg rappelle l’importance des chaînes de production décentralisées qui ont contribué ces dernières décennies à transformer les économies des pays les plus pauvres. L’économiste a évoqué cette idée parce que ces chaînes permettent, selon elle, « aux pays pauvres de se spécialiser dans la fabrication d’un produit spécifique (une pièce détachée automobile, par exemple) et de s’enrichir sans avoir à construire des industries entières en partant du néant ». Elle estime que « tous les pays ont beaucoup à gagner en accélérant les réformes pour accroître le commerce international ».
Dans ce même ordre d’idées, Pinelopi Koujianou Goldberg préconise des mesures simples pour faciliter les échanges en améliorant, par exemple, la logistique douanière. Ceci, afin de s’assurer que « les produits ne restent pas bloqués d’un côté de la frontière » pendant des jours voire des semaines, selon elle.
Elle s’est, en outre, appesantie sur les effets néfastes du commerce international sur l’environnement, reconnaissant que cela entraîne une augmentation des émissions de dioxyde de carbone provenant des transports et un excès de déchets - en particulier dans les domaines de l’électronique et des plastiques - provenant de l’emballage des marchandises.
Parlant du cas particulier des pays en développement, elle a dit qu’« il est beaucoup plus défendable de donner la priorité à l’élimination de l’extrême pauvreté qu’au coût de l’emballage associé aux chaînes de valeur mondiales ». Et de noter que le commerce « a aussi des effets bénéfiques pour l’environnement ».
Pour cette économiste, « les pays plus avancés ont la responsabilité de prendre des initiatives avant de demander aux pays en développement de leur emboîter le pas ».