Elu le 13 octobre avec plus de 75% des voix devant son adversaire politique, Nabil Karoui, le juriste Kais Saied entend mettre son mandat à profit pour contribuer au développement de son pays, en relevant les secteurs de l’éducation et de la santé, qui avaient fait la réussite d’Habib Bourguiba.
Estimant dans son site officiel que « la couverture sociale et l’enseignement ne sont pas des produits commerciaux », le futur président se propose de concrétiser son rêve à ce sujet, conformément à ses propositions évoquées lors du débat électoral : créer un Haut conseil de l’Education pour gérer ce domaine en dehors des « humeurs » partisanes.
L’universitaire Kais Saied se défend aussi d’avoir un programme et des convictions, au premier rang desquelles la nécessité de décentraliser le pouvoir. Il estime que le mode de scrutin actuel et « les arrangements partisans » qu’il entraîne sont la source du mal qui a empêché la révolution tunisienne de 2011 de concrétiser ses objectifs : une société plus égalitaire, où chacun participe à la vie de la cité.
Pas question de « vendre de l’illusion » et des « chimères », avait-t-il déclaré à la presse après sa qualification en septembre, ajoutant qu’il va proposer « des moyens juridiques (constitutionnels) qui permettront aux jeunes de réaliser leurs rêves et leurs aspirations, d’être des individus qui exercent leur souveraineté tous les jours ».
Les résultats officiels ne devraient pas être connus avant le 15 octobre, mais le sondage de Sigma conseil indique que Kais Saied, 61 ans, devance de plus de cinquante points son adversaire Nabil Karoui, homme d’affaires poursuivi pour fraude fiscale, qui a obtenu 23,11%. Ces estimations confirment un premier sondage publié peu auparavant par l’institut Emrhod, selon lequel le juriste a obtenu 72,5% des suffrages, contre 27,5% seulement à son adversaire.
Le taux de participation supérieur à celui du premier tour
L’instance électorale a indiqué, lors d’une conférence de presse, que la participation au scrutin serait sensiblement supérieure à celle du premier tour : elle s’élève à 57,8% sur 70% des bureaux de vote alors qu’il y a un mois, moins d’un électeur sur deux s’était déplacé (49%).
Ennahdha, la formation politique qui avait appelé à voter pour le constitutionnaliste aux convictions conservatrices, a exprimé sa joie en apprenant l’élection du juriste. « Kais Saied, président de la République tunisienne », a écrit sur sa page Facebook officielle ce parti d’inspiration islamiste, arrivé en tête des législatives le 7 octobre (cinquante-deux sièges sur deux cent dix-sept). « On est très content, la Tunisie a gagné un monsieur honnête. La différence entre les deux candidats est le résultat du travail de Kais Saied pendant quatre ans », a confié, quant à lui, Mustafa El Ghali, un membre de la famille du futur président.
Né le 22 février 1958 dans une famille originaire de Beni Khiar sur la côte est, Kais Saied a fait toutes ses études dans l’enseignement public tunisien. Il est diplômé d’un prestigieux établissement public, le collège Sadiki, comme de nombreux présidents avant lui : le père de l’indépendance Habib Bourguiba, le président Moncef Marzouki (2011-2014) et le premier président élu au suffrage universel en 2014, feu Béji Caïd Essebsi. Après avoir poursuivi ses études à l’académie internationale de droit constitutionnel de Tunis, il est diplômé de cette école à 28 ans. Ce qui lui a permis d’être enseignant assistant à Sousse (centre-est), où il a brièvement dirigé un département de droit public. De 1999 jusqu’en 2018, il enseigne à la Faculté des sciences juridiques et politique de Tunis.