Le nouveau président tunisien, au cours de sa prestation de serment, le 23 octobre devant le parlement, a inscrit le respect de la loi, l’égalité entre tous les Tunisiens, le renforcement des droits des femmes au nombre de ses actions fondamentales.
Kais Saied succède au chef de l'Etat par intérim, Mohamed Ennaceur, nommé pour quatre-vingt-dix jours après le décès, en juillet dernier, du premier président élu démocratiquement au suffrage universel en Tunisie, Béji Caïd Essebsi.
Lors de son investiture, le nouveau président a remercié « En ce moment historique (...) tous les Tunisiens et Tunisiennes aux quatre coins du monde » qui ont voté pour lui et ceux aussi qui ont « voté librement » pour son adversaire, l'homme d'affaires controversé, Nabil Karoui. Les Tunisiens « ont besoin d'un nouveau rapport de confiance avec les politiciens et ceux qui gouvernent », a-t-il estimé.
Après avoir prêté serment, Kais Saied s'est dirigé vers le Palais présidentiel de Carthage, dans la banlieue nord de Tunis, où il a pris ses fonctions. Quasi inconnu jusque-là sur la scène politique, cet ancien universitaire de 61 ans, spécialiste du droit constitutionnel, et candidat sans parti, a été élu président le 13 octobre avec 72,71% des voix, prenant de court la classe politique.
Des promesses à tenir
Promettant de « réunir tous (les Tunisiens, Ndlr) » et d'être « au-dessus des conflits » internes, le nouveau président a précisé devant le parlement que chacun « est libre de ses convictions et ses choix, mais les services de l'Etat doivent être à l'abri de tous les calculs politiques ». Parce que « ce peuple qui a tant attendu (...) veut passer du désespoir à l'espoir », a-t-il ajouté dans un arabe châtié.
Martelant son attachement au respect de la loi, il a également assuré qu' « il n'est pas question de porter atteinte aux droits de la femme », sous les applaudissements des députés, des responsables du gouvernement et des invités diplomatiques. Le président nouvellement investi a aussi souligné le besoin « de renforcer les droits de la femme tunisienne, notamment socio-économiques ».
Pourtant, il s'était prononcé clairement, lors des interviews accordées à des médias locaux, contre l'égalité en matière d'héritage, une question délicate car elle touche à un principe dicté par le Coran, selon lequel une femme hérite le plus souvent moitié moins qu'un homme du même degré de parenté.
Décrit comme inflexible sur ses principes, Kais Saied est ouvertement conservateur sur les questions de société mais, selon des analystes, son discours politique ne s'appuie pas sur des références religieuses.
Une lourde responsabilité
Au niveau international, Kais Saied a affirmé l'engagement de l'Etat tunisien « à respecter les différents accords internationaux, mais aussi à les réviser conformément à l'intérêt et à la volonté du peuple ».
Il a aussi insisté sur le soutien de la Tunisie à la cause palestinienne. « Notre position n'est pas du tout contre les Juifs mais contre la colonisation et le racisme », a précisé le nouveau président, avant d’ajouter : « Il est temps que toute l'humanité mette fin à cette injustice qui se poursuit depuis plus d'un siècle ».
Après son investiture, Kais Saied aura une semaine pour charger le parti vainqueur des élections législatives du 6 octobre, le mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha, de former un gouvernement. « En attendant d'y voir plus clair, on ne peut que lui souhaiter bonne chance et (...) qu'il sera à la hauteur de ses nombreuses charges et sa lourde responsabilité », a écrit le journal francophone Le Quotidien.
Visage de cire, posture rigide, Kais Saied s'est fait connaître en décryptant, depuis 2011, les premiers soubresauts de la démocratie tunisienne sur les plateaux télévisés. Considéré comme irréprochablement « propre », ce néophyte en politique a fait campagne régulièrement entouré de jeunes, notamment des étudiants.