Climat : l’Afrique fait bloc autour du Maroc pour défendre son agriculture

Mercredi, Novembre 6, 2019 - 16:58

À quelques semaines de la réunion internationale sur le climat (COP25) en Espagne, le continent africain serre les rangs dans une coalition pilotée par Rabat, pour demander plus de fonds de transition dédiés à une agriculture « climato-intelligente ».

Alors que l’insécurité alimentaire du continent est aggravée par le changement climatique, trois pays, la Somalie, le Tchad et la Tunisie, ont rejoint, le 5 novembre, la coalition de trente-cinq pays africains (sur cinquante-quatre), baptisée AAA (Adaptation de l’agriculture africaine) lancée par le Maroc en 2016 pour porter les intérêts de l’Afrique et de son agriculture dans les négociations climat.

« Nous voulons surtout faire un pont entre la communauté climat et la communauté agriculture », a expliqué Abir Lemseffert, directrice de la fondation AAA. Les 4 et 5 novembre, elle a piloté des rencontres de ministres africains, de scientifiques et de bailleurs de fonds internationaux à l’université Mohammed VI de Benguérir, au Maroc.

La COP 25, initialement prévue au Chili, doit se tenir du 2 au 13 décembre à Madrid, en Espagne. La réunion AAA devrait avoir lieu « chaque année avant les COP », a précisé Abir Lemseffert.

La Banque mondiale y a rendu public son engagement à hauteur de deux milliards de dollars pour financer des projets « climato-intelligents » dans onze pays d’Afrique, en saluant le travail déjà effectué sur le sujet, notamment par l’Agence française de développement.

La Banque africaine de développement, qui vient de procéder à une augmentation de capital géante de cent quinze milliards de dollars, la plus importante de son histoire, compte s’en servir pour « soutenir une transformation durable de l’agriculture africaine », a indiqué sa représentante.

Pour aider à la transition, le « Fonds vert pour le climat », lancé en décembre 2010, a prévu deux millions de dollars par pays, selon Abir Lemseffert.

« Mais à ce jour, seuls six pays africains ont pu décaisser cet argent, car ils n’ont pas les capacités de monter les dossiers, alors qu’ils sont parmi les premières victimes du réchauffement », a-t-elle relevé, ajoutant: « La fondation AAA travaille pour permettre à l’Afrique d’y accéder ».

Des milliers de personnes mal nourries en Afrique

Il y a urgence : pendant que plus de deux cents millions de personnes sont mal nourries sur le continent, les rendements des récoltes agricoles pourraient baisser de 20% d’ici à 2050, avec un réchauffement de deux degrés. Le tout au moment où la population continue d’augmenter.

Pour traiter du sujet capital de la dégradation des sols, le Maroc s’appuie notamment sur l’expertise du groupe OCP, principal producteur de phosphates du continent, utilisés dans les engrais agricoles.

Au Sahel, secoué par des conflits intercommunautaires, le financement de l’agriculture peut jouer un rôle d’arme de paix, ont estimé les participants. A condition de trouver des moyens souples pour financer des projets d’irrigation, l’achat de semences ou d’intrants de qualité, ou encore l’accès au crédit des petits exploitants.

« Avec la sécheresse de plus en plus sévère, le bétail de la région nord-est envahit mon pays, les petits agriculteurs sont exclus de leur parcelle et ne peuvent plus cultiver, il serait très important que AAA puisse aussi inclure les aspects d’une transhumance pacifique et intelligente dans ses réflexions », a plaidé le ministre de l’Agriculture de Centrafrique.

Derrière la demande de gestion des conflits pastoraux entre éleveurs et agriculteurs autour de ressources naturelles raréfiées, se trouve l’espoir de ralentir les migrations qui alimentent les grands flux vers le nord de l’Europe.

Pour Patrick Caron, chercheur au Cirad et ancien membre du comité de la sécurité alimentaire mondiale de l’ONU, « il n’y a pas de solution locale duplicable à l’infini pour résoudre tous les problèmes en même temps » en Afrique. « L’Afrique a besoin à la fois d’innovations locales pour permettre, par exemple, une meilleure assimilation de l’eau de pluie par les sols dégradés, de transformations structurelles (statut foncier, politique agricole...) et de projets territoriaux imbriqués », a-t-il dit.

Plusieurs accords ont été signés, notamment avec l’Agence des Nations unies pour l’alimentation et l'agriculture et avec l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, fondation lancée par l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et soutenue par la fondation Bill et Melinda Gates.

 

 

Nestor N'Gampoula et AFP
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