Afrique : vers la légalisation du cannabis

Samedi, Novembre 23, 2019 - 05:45

Légaliser le cannabis en Afrique serait bon pour les agriculteurs et pour les caisses publique.

Alors que la consommation du cannabis est progressivement dépénalisée un peu partout dans le monde, l’Afrique est l’un des derniers bastions de la résistance à sa légalisation. Plusieurs facteurs sont à la base de cette situation, dont le plus important est religieux. Mais bien qu’il soit illégal, le produit a, depuis des lustres, été cultivé et consommé notamment dans le cadre du traitement d’une large palette de maladies. Selon une étude de Prohibition Partners, d’ici les quatre prochaines années, le marché africain du cannabis aura une valeur marchande de 7,1 milliards de dollars.
Introduit en Afrique orientale au début des années 1500, le cannabis s’est très vite propagé à travers le continent pendant le XVIe siècle. Les Africains subsahariens le fumaient alors dans des pipes, une pratique locale qui s’est répandue partout dans le monde et qui est encore en vigueur aujourd’hui. Outre son usage récréatif, il était initialement utilisé dans la guérison de plusieurs maladies. Cependant, dans les années 1920, la plante de cannabis a été interdite sur tout le continent, en raison principalement de ses effets psychoactifs.
Ces cinq dernières années ont vu une vague d'assouplissement de la législation en Belgique, en Allemagne, en Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas, au Canada, aux Etats-Unis, etc. Ces pays perçoivent des recettes publiques supplémentaires en encadrant la chaîne de valeur du cannabis. Un autre type de tourisme lié à la légalisation du cannabis a également vu le jour dans ces pays. Aujourd’hui, on estime à 38 000 tonnes, la production annuelle de cannabis en Afrique. Selon un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), les zones de forte production sont marquées par des taux de chômage élevés. Les principaux producteurs africains sont le Nigeria, le Ghana, l’Eswatini, le Mozambique, le Zimbabwe, le Malawi, l’Afrique du Sud et le Lesotho. La production est généralement assurée par des paysans, seul moyen de gagner suffisamment d'argent poursubvenir aux besoins fondamentaux de leur famille. La culture du cannabis, qui a profité de la baisse de la demande de tabac, s’est avérée beaucoup plus lucrative que d'autres cultures (maïs et canne à sucre), selon l’ONUDC.
Une opportunité pour dynamiser les économies africaines
Selon une estimation du cabinet Arcview, le marché américain du cannabis légal devrait générer 40 milliards de dollars et plus de 400 000 emplois, d’ici 2021. Cela correspond à des recettes fiscales de 4 milliards de dollars. Les pays ayant légalisé la chaîne de valeur du cannabis ont gonflé leurs recettes publiques, ces dernières années. Pour certains analystes, l’Afrique qui a un potentiel plus important que ces pays, dans ce domaine, devrait songer à changer de paradigme. Pour les pays africains qui manquent de ressources pour financer leurs projets de développement, le cannabis se présente désormais comme une opportunité, tant pour les travailleurs agricoles que pour les caisses publiques.
D’après une étude de l’agence de presse Inter Press Service, alors que les cultures vivrières ne génèrent qu’entre 25 et 30 dollars l’acre, une récolte de cannabis peut rapporter jusqu’à 200 dollars par saison. Cela devrait permettre d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs qui, en Afrique, vivent sous le seuil de la pauvreté. Les perspectives dans le secteur sont telles qu’en cas de légalisation du cannabis, les Etats africains pourraient profiter d’une manne précieuse qui représentera une importante bouffée d’oxygène dans les projets de diversification économique. Prohibition Partners ajoute que "le cannabis serait une importante culture de rente pour l’Afrique ".

A l’horizon 2023, le continent comptera 76 millions de consommateurs.
Des données de l'ONUDC datant de 2016, montrent que l'Afrique compte cinq des trente premiers pays du monde pour la prévalence de consommation du cannabis. Cela parmi les populations adultes de la tranche d’âge comprise entre 15 et 64 ans. Il s’agit du Nigeria (14,3 millions de
consommateurs), l’Egypte (3,8 millions), Madagascar (1,3 million), la Zambie (880 000) et la Sierra Leone (222 000). A l’horizon 2023, le continent comptera 76 millions de consommateurs, ce qui générera 7,1 milliards de dollars dont 6,3 milliards $ pour l’usage récréatif et 800 millions pour la consommation à usage médical.

Le Nigeria comme moteur de la croissance du cannabis à usage médical
Parallèlement à ces données, le marché des produits pharmaceutiques en Afrique devrait atteindre une opportunité commerciale de 45 milliards de dollars en 2020, stimulé par l'urbanisation rapide, l'augmentation des dépenses de santé et l'incidence croissante des maladies chroniques. D’après l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi), le Nigéria a le potentiel pour devenir un pays clé pour le cannabis à usage médical, en raison de sa forte dépendance à l'égard des produits pharmaceutiques importés. Le pays compte environ 120 fabricants locaux de médicaments et la capacité du secteur manufacturier est sous-utilisée (40%).
Un potentiel agricole immense, en cas de légalisation
Pour Prohibition Partners, grâce à sa géographie et à la qualité toute particulière de ses sols, l’Afrique peut produire du cannabis d’excellente qualité. C'est le cas du Lesotho. Le pays travaille actuellement à dépénaliser totalement la chaîne de valeur du cannabis et compte développer une industrie du cannabis capable de doper les recettes publiques. Une politique agricole spéciale sera mise en branle à cet effet, assurent les autorités. Elles ont déclaré vouloir attirer des investissements pour industrialiser la production de cannabis. Des terres seront aménagées à cet effet pour favoriser une production massive.
Avec une demande internationale en plein essor, les pays africains pourraient récolter les fruits de la légalisation du cannabis, en commençant par offrir les outils adéquats aux travailleurs agricoles. Mais cela ne sera possible que si le cannabis en provenance d'Afrique peut répondre aux normes internationales.
Près de la moitié des oncologues nigérians ont révélé qu’ils recommanderaient le cannabis à leurs patients.
En outre, à cause des mauvaises conditions économiques de nombreux pays africains, toute légalisation du cannabis dans la région aura le devoir de sauvegarder les intérêts locaux, avertit l'ONUDC. A cet égard, le Zimbabwe pourrait devenir un modèle régional. Les autorités travaillent sur les conditions d’attribution de licences de production. Les licences ne seront offertes qu’à ceux qui auront prouvé leur citoyenneté ou leur résidence. Toutefois, le ministre de la Santé se réservera le droit d'accorder des exemptions.
De nombreux acteurs pro-légalisation du cannabis craignent une réticence des consommateurs subsahariens à en adopter les dérivés en cas de légalisation. La région compte plus de 60% de chrétiens, dont plus de la moitié sont catholiques. Or, l’Eglise catholique estime que "l'usage du cannabis est un péché ."

Noël Ndong
Notification: 
Non