Budget en hausse, lancement de projets, la quarantième conférence générale de l’institution semble confirmer un nouveau souffle, deux ans après l’élection à sa tête de la Française Audrey Azoulay, qui avait alors promis de restaurer la confiance dans une institution emblématique d’un multilatéralisme en crise.
« Le monde a besoin de plus d’Unesco, pas de moins d’Unesco. C’est le message clair envoyé par cette conférence générale », du 12 au 27 novembre, au siège de l’organisation à Paris, a commenté à la presse Audrey Azoulay.
Pour cette dernière, le mandat de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) est au centre des enjeux du monde d’aujourd’hui, comme l’ont illustré, lors de la conférence, des « initiatives sur l’éthique de l’intelligence artificielle, l’éducation des réfugiés ou encore les sciences ouvertes ».
« Dans un cadre politique et budgétaire consolidé, avec un budget adopté en hausse pour la première fois depuis vingt ans. C’est un tournant salvateur pour l’Unesco », a-t-elle souligné.
Les cent quatre-vingt-treize pays membres ont, en effet, voté un budget en augmentation de plus de seize millions de dollars, à cinq cent trente-quatre millions.
« C’est quand-même une décision rarissime dans le monde onusien d’accepter de payer un peu plus en ce moment », a estimé Nicolas Kassianides, le chef de cabinet de la directrice générale.
Un autre signe témoigne d’un « regain de confiance », selon Audrey Azoulay, à savoir le bond des contributions extrabudgétaires pour des projets ciblés, comme l’ambitieux plan de reconstruction de Mossoul, ex-fief des djihadistes en Irak, dévasté en 2017.
Au premier semestre de l'année en cours, ces contributions volontaires ont augmenté de 41%, à cent soixante et un millions de dollars, par rapport au premier semestre 2018.
De plus, les pays sont désormais à jour – « à 90% » - de leurs paiements après des années de crise aiguë et d’accumulation d’arriérés. De grands pays comme le Royaume-Uni et le Japon ont réglé leur dette, au terme « d’un dialogue approfondi ».
Outre l’accent mis sur l’éducation, notamment des filles, et les mutations technologiques, dès son élection, Audrey Azoulay a érigé en priorité l’apaisement des tensions qui minaient dangereusement l’organisation, disant à l’AFP vouloir « travailler en amont sur les questions qui divisent pour trouver des solutions communes ». Soit, dépolitiser l’Unesco et la recentrer sur ses missions premières.
Décisions par consensus
Cela s’est immédiatement traduit sur les questions ultrasensibles du Proche-Orient (patrimoine de Jérusalem, éducation dans les territoires occupés...). Dès sa première année de mandat, douze décisions ont été prises par consensus, après une négociation facilitée par le secrétariat de l’Unesco entre Israël, les Palestiniens, les pays arabes, ajournant les sujets qui fâchent, trop politiques. Au point qu’en juin 2018, l’ambassadeur israélien à l’Unesco s’était prononcé en faveur d’un report du départ de son pays de l’organisation.
Israël et les États-Unis ont néanmoins quitté l’Unesco fin 2018, comme annoncé en octobre 2017, Washington reprochant à l’organisation un parti pris anti-israélien. Ils avaient déjà suspendu le paiement de leurs cotisations en 2011 lorsque les Palestiniens étaient devenus membres.
Cette désaffection est restée isolée. Lors de la quarantième conférence générale, pas moins de quatre-vingt-dix ministres et neuf vice-ministres de l’Éducation, ainsi que quatre-vingt-douze ministres et vingt-quatre vice-ministres de la Culture ont ainsi répondu présents, en sus de quatorze chefs d’État, dont la plupart, il est vrai, étaient venus aussi à Paris pour le Forum de la paix des 12-13 novembre.
« Il n’y a aucun autre endroit au monde où l’on peut avoir une telle concentration de ministres de l’Éducation et de la Culture, cela prouve que l’Unesco est très pertinente sur ces questions », estime-t-on dans l’état-major de l’institution.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait fait le déplacement à l’ouverture, louant notamment le rôle de l’Unesco dans la défense du multilatéralisme, son travail en faveur de l’éducation, des jeunes, des sciences.
Dans ces domaines, plusieurs initiatives ont abouti lors de la conférence. L’une doit mener à une convention mondiale permettant la reconnaissance des qualifications dans l’enseignement supérieur d’un pays à l’autre, une première dans le système onusien. Une seconde est la décision de mandater l’Unesco pour travailler à l’élaboration de normes éthiques en matière d’intelligence artificielle.