L'inclusion de mécanismes de compensation dans les marchés du carbone divise les parties prenantes à l'accord de Paris, qui se réunissent à Madrid, en Espagne.
La COP25 démarre une séquence placée sous le signe du climat: l’Union européenne (UE) doit préciser son « Green deal » d’ici à mars et doit parvenir à arrimer la Chine et l’Inde d’ici à fin 2020 pour que l’ambition globale soit relevée. La COP25, qui se tient à Madrid du 2 au 15 décembre, a déjà traversé un parcours semé d’embûches. Prévue au Brésil, récupérée par le Costa Rica et le Chili, elle a finalement été relocalisée à Madrid après que Santiago de Chili a changé son fusil d’épaule. " C’est aussi l’occasion de relier, pour la première fois, le climat et la biodiversité. On a désormais une vision claire du fait qu’une stabilisation des températures sans protection de la biodiversité n’est pas une hypothèse souhaitable, et une série d’impulsions politiques fait qu’il est aujourd’hui possible de mettre la biodiversité au cœur de la discussion sur le climat", assure Sébastien Treyer, directeur du think-tank IDDRI.
Le recours aux écosystèmes pour sauver la planète n’est pas une idée nouvelle. En revanche, les solutions scientifiques et techniques qui confirment le concept le sont : les éléments sont donc réunis pour que les instances de l’ONU, responsables du climat et de la biodiversité, s’entendent sur des passerelles entre les deux sujets. Par exemple, intégrer dans les engagements climat des pays, les INDC (contributions déterminées au niveau national), des solutions biodiversité : c’est un des progrès attendus par l’IDDRI à Madrid.
Un autre enjeu moins consensuel attend des participants est celui du relèvement général de l’ambition. L’Allemagne insiste déjà sur le fait que la plupart des pays ne sont pas dans la bonne trajectoire pour atteindre les objectifs actuels, ce qui décrédibiliserait l’idée de les renforcer. " Faux débat", répond Lola Vallejo, de l’IDDRI, qui anticipe une réelle mobilisation des pays les plus ambitieux, dont l’UE, qui tente de se mettre en ordre de bataille pour afficher un consensus à vingt-sept autour de la neutralité carbone en 2050, alors que deux pays, la Hongrie et la Roumanie, traînent encore les pieds.
Les marchés du carbone, pomme de discorde Nord-Sud
Un des sujets les plus sensibles qui sera discuté à Madrid est une pomme de discorde récurrente : c’est la question des marchés du carbone. L’article 6 de l’accord de Paris doit voir ses règles précisées cette année. Or, il avait déjà été négocié, de haute lutte, le dernier jour des négociations de cet accord, en 2015. Les pays en développement avaient jusqu’alors pris l’habitude de pouvoir récupérer des fonds à bon compte grâce à des règles quelque peu laxistes du protocole de Kyoto, qui établissaient une hiérarchie claire : les pays développés payaient, les pays en voie de développement encaissaient. " C’est le sujet le plus sensible, la moitié des INDC intègre les marchés pour atteindre leurs objectifs et la finance . Si ces règles sont mal faites, il est possible de remettre en cause la lutte contre le changement climatique", prévient Yamide Dagnet, du World resources institute.
2020, année charnière
"L’année prochaine sera une année critique pour comprendre ce que les pays seront prêts à faire. Le problème, c’est que les pays qui sont prêts à relever leur ambition comptent pour moins de 10 % des émissions de CO2", rappelle David Waslow, directeur de l’International climate initiative, qui compte néanmoins sur le sommet UE-Chine prévu en septembre 2020, durant la présidence allemande de l’UE, pour faire bouger les lignes.
Ce qui est sûr, c’est que la COP25 ouvre une séquence "climat" qui devrait se prolonger durant l’année 2020, avec l’UE aux manettes : la Commission européenne s’est donné cent jours pour mettre en place un nouveau "Green deal", qui devra être finalisé en mars prochain. Le Vieux Continent devra aussi mettre sur la table son propre engagement pour 2030 et surtout mobiliser l’Inde et la Chine, les deux partenaires les plus cruciaux pour la COP26, qui sera précédée par la rencontre, en Chine, de Kunming sur la biodiversité, en octobre. Et tout cas, avant la COP26, en octobre à Glasgow, rendez-vous crucial de l’accord de Paris censé mettre la planète sur le chemin de 1,5°, on en est loin.