La Cour d’appel de Paris doit examiner, le 15 janvier prochain, le recours formé par les parties civiles contre le non-lieu qui a conclu les vingt ans d’enquête sur l’attentat contre l'ancien président rwandais, Juvénal Habyarimana, épisode déclencheur du génocide de 1994, a-t-on appris de source judiciaire.
Le 21 décembre 2018, plus de vingt-quatre ans après les faits, des juges d’instruction antiterroristes avaient ordonné l’abandon des poursuites contre des proches de l’actuel président, Paul Kagame, faute de « charges suffisantes » pour les renvoyer aux assises. Pour rappel, le 6 avril 1994, l’avion de Juvénal Habyarimana, un Hutu, avait été abattu en phase d’atterrissage à Kigali par au moins un missile. Cet attentat est considéré comme le déclencheur du génocide qui fit huit cent mille morts, selon l’ONU, principalement dans la minorité tutsie.
En France, une enquête ouverte en 1998, après la plainte des familles de l’équipage français de l’avion, avait d’abord privilégié l’hypothèse d’un attentat commis par des soldats de l’ex-rébellion tutsie du Front patriotique rwandais, dirigée par Paul Kagame, devenu président du pays en 2000.
Mais cette thèse a été fragilisée, après un rapport d’experts en balistique en 2012, qui se sont rendus sur place et ont désigné comme zone de tir probable le camp de Kanombe, alors aux mains de la garde présidentielle d’Habyarimana. Dans cette autre hypothèse, retenue en 2009 par l’enquête diligentée par le régime rwandais, le président aurait été éliminé par des extrémistes hutus de son propre camp, opposés au processus de paix d’Arusha.
«Les parties civiles espèrent que la justice française saura mesurer et dépasser les contingences politico-diplomatiques qui polluent ce dossier depuis des années, et qui se sont manifestées par de nombreuses pressions sur les témoins et la disparition de certains d’entre eux », a déclaré Me Philippe Meilhac, avocat d’Agathe Habyarimana, la veuve du défunt président basée en France. «Nous soutiendrons le maintien du non-lieu », décision prise par « un juge qui a manifesté une indépendance totale » en acceptant les actes d’enquête demandés par la partie civile, a réagi de son côté Me Léon-Lef Forster. Depuis plus de vingt ans, ce dossier empoisonne les relations entre Paris et Kigali, sur fond de débat concernant les responsabilités françaises à l’époque du génocide.