Une série de passes d'armes entre Donald Trump, Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan a aggravé la zizanie au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan), le 4 décembre, avant le sommet de son 70e anniversaire, l'affaiblissant face à la montée en puissance de la Russie et de la Chine.
Les récentes déclarations du président français, jugeant l'Alliance née en 1949 en état de « mort cérébrale », et la montée de tensions avec le président turc au sujet de son intervention en Syrie, ont électrisé les échanges dans les heures précédant le début des commémorations à Londres, en Grande-Bretagne.
Le milliardaire américain a lancé les hostilités en qualifiant les propos d'Emmanuel Macron de « très insultants » et « très, très méchants », ajoutant que «personne n'a besoin de l'Otan plus que la France ».
Donald Trump a également durement critiqué la volonté de Paris de taxer les géants technologiques américains. Son administration a déjà menacé d'imposer des droits de douane pouvant atteindre 100% sur l'équivalent de 2,4 milliards de dollars de produits français dont le roquefort, les yaourts, le vin pétillant.
Pas de « clarification » avec Erdogan
Face au président français plus tard dans la journée, le milliardaire américain a adopté un ton plus conciliant. Les deux dirigeants se sont accordés sur leur capacité à surmonter ce que Donald Trump a qualifié de « différend mineur » commercial.
Mais la fâcherie perdure concernant l'Otan. Le chef de l'Etat français est resté ferme et « maintient » ses propos qui ont irrité la plupart des alliés.
Le patron de l'Otan, Jens Stoltenberg, a défendu l'organisation, se disant « en désaccord ». « Il ne faut pas mettre en doute l'unité et la volonté des alliés de se défendre les uns les autres », a-t-il insisté.
Mais en interne, l'intervention lancée par Ankara en octobre, dans le nord-est de la Syrie, sans en informer les autres membres de l'Alliance, a fait monter la tension. La situation a tourné à l'incident diplomatique entre Paris et Ankara la semaine dernière, lorsque Recep Tayyip Erdogan a estimé que le président français était lui-même en état de « mort cérébrale ».
« Quand je regarde la Turquie, ils se battent à présent contre ceux qui ont combattu à nos côtés. Et parfois ils travaillent avec des intermédiaires » du groupe jihadiste Etat islamique, a renchéri Emmanuel Macron face à la presse avec Donald Trump.
En fin d'après-midi, une rencontre de près d'une heure rassemblant Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan ainsi que Boris Johnson et Angela Merkel n'a pas permis de régler le différend.
« Toutes les clarifications n'ont pas été obtenues et toutes les ambiguïtés n'ont pas été levées », a déclaré Emmanuel Macron à l'issue de la réunion. Avec la Turquie, a-t-il expliqué, « il y a des désaccords qui existent, des choix qui ne sont pas les mêmes, mais il y a la nécessité d'avancer ».
« La réunion a été intéressante, mais ce ne peut être que le début d'un processus de discussion plus long », a pour sa part déclaré Angela Merkel.
Pression sur les « mauvais payeurs »
Ces échanges ont éclipsé les défis dont devaient débattre les membres de l'Otan, qui se réunissaient mercredi matin dans un golf de luxe à Watford, en périphérie de Londres, après un dîner mardi soir autour de la reine Elizabeth II à Buckingham Palace. En tête des préoccupations : la montée en puissance de la Chine et la militarisation de l'espace, en plus des relations difficiles avec la Russie.
Vladimir Poutine a dénoncé mardi le comportement « pas correct voire grossier » de l'Otan, accusée par le Kremlin d'avoir continué à s'agrandir malgré les promesses faites, selon Moscou, avant la chute de l'URSS. Mais il s'est dit prêt à coopérer avec l'Alliance atlantique.
« Nous devons initier un dialogue sans naïveté avec la Russie pour réduire la conflictualité » avec ce pays, a pour sa part soutenu Emmanuel Macron, réclamant comme « précondition » des « avancées » sur le règlement de la crise entre la Russie et l'Ukraine.
Outre les attaques contre la France, Donald Trump, qui depuis son élection pousse ses alliés à augmenter leurs budgets militaires pour partager davantage le fardeau, a lancé une nouvelle charge contre les « mauvais payeurs » de l'Otan, notamment l'Allemagne.
Il veut maintenir la pression sur les alliés pour leur faire respecter leur engagement de consacrer 2% de leur produit intérieur brut à leurs budgets militaires en 2024. La France dépensera l'équivalent de 2% en 2025, mais l'Allemagne, à 1,42% en 2020, ne respectera pas son engagement avant le début de la décennie 2030.
S'il s'est félicité d'avoir « obtenu cent trente milliards de dollars », en référence à la somme que le Canada et les membres européens auront ajoutée aux budgets de la défense en quatre ans, Donald Trump s'est dit insatisfait.