Nommé depuis plus de deux ans comme haut-commissaire à la réinsertion des ex-combattants, Euloge Landry Kolélas fait, dans une interview aux Dépêches de Brazzaville, le point de son action et des activités menées après la phase de ramassage des armes. Rappelant l’engagement pris par le président de la République sur ce dossier, il évoque les axes du Programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) des ex-combattants pour lequel un appui des partenaires est toujours attendu.
Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B) : Trois ans après votre prise de fonctions, qu’est-ce qui a été fait dans le cadre du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) des ex-combattants ninjas ?
Euloge Landry Kolelas (E.L.K) : Les grands repères de ce qui a été fait se résument, jusqu’à la date du 29 décembre à la requête aux Nations unies pour un appui multiforme au processus de pacification du département du Pool ; à la co-coordination de l’opération « ramassage des armes », avec la Commission Ad hoc Mixte Paritaire, issue de l’Accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités, signé le 23 décembre 2017, et 5.665 ex-combattants ont été profilés.
La réponse positive des Nations unies à notre requête a permis au pays de recevoir diverses missions techniques onusiennes ayant abouti à l’élaboration du programme de Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), signé le 31 août 2018 conjointement par le Haut-Commissaire à la Réinsertion des Ex-Combattants pour le gouvernement et le coordonnateur résident, pour les Nations unies.
Prélude au démarrage de ce programme et afin de capitaliser les leçons tirées des expériences DDR passées, les parties prenantes au processus ont convenu de la nécessité de mettre en œuvre le projet « Consolidation de la paix et démarrage du processus DDR pour le Département du Pool en République du Congo », dont le but est de contribuer à poser les bases de la réussite de la mise en œuvre du programme ci-dessus cité.
Les réalisations découlant des trois résultats attendus de ce projet ont permis la mise en place des plateformes de dialogue et de réconciliation dans les 15 entités territoriales et le chef-lieu du département, ainsi que les conflits gérés par les 15 comités de dialogue mis en place, ont renforcé la libre circulation des personnes, biens et services.
Le renforcement des activités mixtes de réinsertion et de réhabilitation d'infrastructures de base a contribué au renforcement de la cohabitation pacifique.
Les appuis catalytiques collectifs à certains ex-combattants dans la communauté ont renforcé leur resocialisation et participé à la consolidation de la cohésion sociale.
Par ailleurs, le renforcement des capacités des médias sur le traitement de l'information en post-crise et la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations unies, de la force publique et la société civile sur le respect des droits humains, la sensibilisation au genre, au recrutement des psychologues/des sages-femmes pour la prise en charge des violences faites aux femmes, le renforcement de l'état civil pour minimiser les risques d'apatridie et le monitoring de la protection, sont des actions perceptibles et appréciées au niveau des acteurs et des communautés comme ayant beaucoup contribué à la consolidation de la paix et à la promotion des droits humains.
L'interdiction aux militaires de se promener avec les armes, recommandées par les échanges communautaires, a renforcé la confiance., ce qui a rendu possible toutes ces actions catalytiques qui ont contribué à la relance des économies locales.
La poursuite des concertations locales et la gestion des conflits à travers les comités de dialogue et de réconciliation, ainsi que bien d’autres initiatives ont contribué au renforcement de la décrispation de l'environnement socio-politique et sécuritaire, exprimée aujourd’hui à travers la totale libre circulation des personnes, biens et services.
Toutes ces actions qui participent de la poursuite du dialogue intracommunautaire et à l’amélioration des moyens d’existence des communautés restent de nos jours un socle acquis à la consolidation de la paix.
Je rassure les différents partenaires que le processus de pacification du Pool demeure une préoccupation majeure de la Présidence de la République, dans la mesure où la poursuite de l’accélération de ce processus, le démarrage effectif du programme de désarmement, démobilisation et réintégration, la réparation des séquelles de guerre et l’éducation citoyenne sont inscrits parmi les activités prioritaires du Cabinet du chef de l’Etat.
L.D.B : Quels sont les grands axes de ce programme ?
E.L.K : A la différence des précédents programmes de démobilisation, désarmement et réinsertion que le Congo a connus, le présent Programme de DDR a la particularité de prendre en compte à la fois les ex-combattants, leurs associés ainsi que les membres de leurs communautés d’accueil (population civile).
Ce programme pour le Pool a quatre grands axes ou composantes, à savoir : le désarmement, la démobilisation/réinsertion, la réintégration socioéconomique et la prise en compte des aspects transversaux.
L.D.B : Après la phase de ramassage des armes menée avec l’appui des partenaires du système des Nations unies, à quel niveau se situe le processus enclenché après les accords de décembre entre le gouvernement et le Pasteur Ntoumi ?
E.L.K : Je tiens avant tout à rappeler que l’opération « ramassage des armes » a été pilotée par la Commission Ad hoc mixte paritaire, issue de l’Accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités, signé le 23 décembre 2017 à Kinkala.
Le Haut-commissariat à la réinsertion des Ex-combattants et le système des Nations unies ont pris part à la coordination de cette opération à travers leurs représentants. Les délégués du Haut-commissariat à la réinsertion des Ex-combattants ont procédé au profilage de 5.665 ex-combattants.
Le processus enclenché après l’Accord du 23 décembre 2017 est bel et bien sur les rails. A ce jour, les conditions de réintégration de ces ex-combattants profilés sont mises en place et n’attendent que le démarrage effectif du DDR.
L.D.B : La table ronde organisée en octobre 2018 estimait à 8,3 milliards FCFA les besoins financiers du DDR. Aviez-vous le soutien des partenaires pour mobiliser l’ensemble du montant ?
E.L.K : Le coût estimatif de la mise en œuvre du programme DDR pour le Département du Pool est effectivement de 8,3 milliards FCFA dont 2 milliards FCFA au titre de la contrepartie nationale et 6, 3 milliards FCFA attendus des partenaires.
Le soutien des partenaires bilatéraux et multilatéraux demeure un des acquis majeurs de l’action diplomatique engagée par le gouvernement, cependant celui-ci est conditionné au décaissement de la contrepartie nationale.
L.D.B : L’une des premières clauses de l’accord de Kinkala concerne le statut de Fréderic Bintsamou alias Pasteur Ntoumi. Aviez-vous eu des contacts avec lui ?
E.L.K : Le Pasteur Ntoumi demeure un partenaire dans le processus de pacification du département du Pool, au terme de l’Accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités du 23 décembre 2017.
De ce fait, des mécanismes officiels ont été mis en place pour favoriser des consultations toutes les fois que le besoin s’impose, notamment, à travers ses représentants à la Commission Ad hoc Mixte Paritaire.