Alors que Washington souhaite réduire sa présence en Afrique, comme l’annonçait récemment le chef d’état-major américain, le général Mark Milley, le sujet préoccupe de plus en plus la France qui veut à tout prix que la sécurité soit préservée dans la région où les groupes djihadistes continuent de mener des attaques contre les armées régulières, les forces internationales et la population civile.
Pour tenter de trouver une solution au maintien des troupes américaines, Paris a dépêché, le 27 janvier à Washington, la ministre française des Armées, Florence Parly. La question du Sahel a été longuement abordée au Pentagone avec le ministre américain de la défense, Mark Esper. A l’issue de leur entretien, Paris a appelé Washington à garder ses soldats déployés sur place pour ne pas laisser les pays concernés et leur peuple à la merci des terroristes.
« Le soutien américain à nos opérations est d’une importance cruciale et sa réduction limiterait gravement l’efficacité de nos opérations contre les terroristes », a déclaré la ministre française. Malgré cela, la France n’a reçu de garanties de la part des Américains. Faut y voir un refus catégorique des autorités américaines prouvant qu’elles sont résolument déterminées à ne plus apporter un appui logistique aux Etats de la région dans la lutte contre les insurgés ?
Pour l’heure, il est encore prématuré de dire que les Etats-Unis vont, dans l’immédiat ou dans un futur proche, concrétiser leur projet de retrait des troupes puisque rien n’a encore été définitivement ficelé. « Aucune décision n’a encore été prise », a indiqué Mark Esper au cours d’une conférence de presse commune avec Florence Parly. Une déclaration qui pousse certains experts à penser que le ministre américain de la Défense voulait par ces mots éviter tout engagement envers Paris.
« Mon objectif est d’ajuster notre présence militaire dans beaucoup d’endroits », a ajouté le ministre américain de la Défense, qui a indiqué que son pays veut réaligner ses forces dans le monde pour répondre à une menace jugée grandissante par certains pays. Il faisait allusion à la Chine et à la Russie, en soulignant le contexte de « concurrence entre grandes puissances ». « J’ai des consultations avec Mme Parly depuis plusieurs mois à ce sujet et nous continuerons à le faire quand nous prendrons des décisions », a expliqué Mark Esper.
Paris et Washington disposés à poursuivre le dialogue
Tout ce qu’on peut retenir de l’entrevue entre la ministre française et son homologue américain est que les deux pays vont continuer à débattre de la question pour trouver une réponse satisfaisante tant pour leurs pays que pour les Etats du G5 Sahel. « Je suis sûre que nous poursuivrons notre dialogue sur ces questions », a fait savoir Florence Parly.
Le 13 janvier, à son arrivée à Bruxelles pour une réunion du Comité militaire de l’OTAN, le chef d’état-major américain, le général Mark Milley, avait indiqué que les ressources que le Pentagone consacre à l’Afrique ou au Moyen-Orient « pourraient être réduites et ensuite redirigées, soit pour améliorer la préparation de nos forces aux Etats-Unis soit vers le Pacifique ». Il a assuré que son pays était en train d’« élaborer des options » pour le ministre américain de la Défense, Mark Esper. Une réflexion, qui selon lui, se fait « en coordination » avec « alliés et partenaires dans les zones concernées ».
L’annonce du retrait des troupes américaines était intervenue au moment où Paris et ses partenaires africains se réunissaient à Pau pour chercher à venir à bout de groupes djihadistes dont les attaques se multiplient.
Une fois le projet de réduction des militaires concrétisé, les opérations conjointes menées par les armées nationales et les 7000 soldats des forces spéciales américaines, déployées par rotations en Afrique, seront donc arrêtées, notamment en Somalie. Outre ces militaires, 2.000 autres de l’armée de terre mènent des missions de formation dans une quarantaine de pays africains et participent à des opérations de coopération, notamment avec les forces françaises de l’opération Barkhane au Mali, auxquelles ils fournissent une assistance principalement logistique.
Notons aussi qu’un retrait américain d’Afrique de l’Ouest constituerait un coup dur pour les 4 500 soldats français de l’opération Barkhane, déployés au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Washington fournit en effet à Barkhane des capacités de renseignement et de surveillance, notamment grâce à ses drones, du ravitaillement en vol et du transport logistique, pour un coût de 45 millions de dollars par an.