Interview. Bibish Mumbu « Je milite pour la décolonisation des mentalités par l’art »

Vendredi, Janvier 31, 2020 - 14:15

Militante par les mots, les arts et les lettres, Marie Louise Bibish Mumbu, plus connue sous le nom de Bibish Mumbu, est journaliste et écrivaine, née en 1975 en RD Congo et résident à Montréal. Elle dévoile à travers cet entretien sa vie de femme de lettres.

Les Dépêches du Bassin du Congo : Bibish Mumbu, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

B.M. : Je suis autrice et dramaturge RDçoise (je me suis permis cette invention depuis mon roman Samantha à Kinshasa !), vu qu’on est deux Congo… J’ai fait des études en journalisme, j’ai été correspondante d'Africultures à Kinshasa, un magazine culturel français des arts et cultures afro-caribéennes. J’habite Montréal depuis un moment avec des allers-retours annuels à Kinshasa. Le Congo m’habite depuis toujours. Quand il s’appelait Zaïre, c’est là que je suis née ! Je précise aussi, de plus en plus, question de mettre la table pour de belles discussions existentielles que je suis aussi une femme résiliente québécoise afroféministe expatriée d’origine congolaise – et chaque mot est porteur de sens et de provocation. Je milite pour la décolonisation des mentalités par l’art et collabore pour cela avec les artistes, les théâtres, les festivals, les universités et les maisons de la culture. Je participe également aux évènements montréalais et internationaux. Table-ronde sur les femmes et la guerre. La journée internationale du théâtre. Les Dramaturgies en Dialogues. Le Jamais Lu. Le festival des francophonies en Limousin en France. Festival d’Avignon. La rentrée littéraire de Bamako au Mali,etc.

L.D.B.C. : Le partir est un thème omniprésent dans vos œuvres, peut-on y faire un rapprochement avec votre vie ?

B.M. : Le partir… Je vous arrête tout de suite : ça n’a rien à voir avec moi ! En fait, à la question pourquoi j’écris, je réponds toujours par pour qui ? Et mon interlocuteur depuis que j’ai pris publiquement la plume c’est mon père, décédé quand j’avais 18 ans… Je lui raconte tout ce qu’il ne connaîtra plus, ni de moi ni du pays qu’il a servi ni du monde dans lequel il a vécu. Je parle beaucoup de quitter… L’enfance, un quartier, s’exiler, même volontairement, voyager, s’éloigner ! Est-ce que ça devrait être pris comme la mort : avec une fin de non-retour… ? La pièce de théâtre que je suis en train d’écrire actuellement, « Barrières », est en plein dans le sujet. Liberté et prison, exil et enfermement, vie et mort, je travaille beaucoup sur les nuances de ces binômes. C’est là que je puise mon énergie et l’inspiration d’écrire. Ce sont mes moteurs ! C’est pourquoi d’ailleurs que j’aime écrire du théâtre, je peux faire sauter les règles et inviter l’arc-en-ciel dans mes histoires. Tout n’est pas toujours blanc ou noir dans la vie. Nuances…

L.D.B.C. : Votre premier roman « Samantha à Kinshasa », toujours à la une, semble faire écran aux recueils de nouvelles et pièces de théâtre que vous veniez de publier. Quelle explication vous en donnez ?

B.M. : Mon premier roman Samantha à Kinshasa, publié en 2008 aux éditions Le Cri, a été réédité à Montréal en février 2015 aux éditions Recto Verso et adapté au théâtre. Un spectacle qui a tourné dans les maisons de culture de Montréal, à Longueuil, à Notre-Dame-des-Prairies, au Québec – Carrefour, BIC, Anglicane, et dans l’ouest canadien (Edmonton et Vancouver), de 2015 à 2017. Mis en scène par Philippe Ducros, la pièce a pris le nom de Bibish de Kinshasa puisqu’on pouvait admirer sur une même scène l’autrice et son œuvre. L’histoire de cette fille qui quitte son pays pour l’ailleurs en espérant une vie meilleure et qui décrit sa ville natale a su toucher les gens parce qu’elle raconte un Congo debout. Malgré les embouteillages et les coupures d’électricité. Une histoire qui rend hommage aux vivants, à ceux qui contournent la mort chaque jour grâce à l’article 15. Des personnes vaillantes qu’on a voulu célébrer à travers la pièce de théâtre créée à Montréal s’intitulant Bibish de Kinshasa.

L.D.B.C. : Avez-vous d’autres projets d’écriture ?

B.M. : Un deuxième roman est en gestation ! Ça mijote… Et bien sûr, je continue mes projets de théâtre. Autant des collaborations que des projets personnels. C’est pourquoi j’aime dire que je fais de l’édition de mes textes autrement. Ce n’est plus nécessairement dans un ouvrage mais c’est désormais sur une scène ! Formatrice de l’atelier « Écrire l’ailleurs » par le Centre des autrices et des auteurs dramatiques, CEAD, dont je suis membre, j’anime également des ateliers d’écriture sur la mémoire. Et je fais aussi du mentorat, plus dans le sens d’un jumelage et d’un accompagnement où nos écritures s’enrichissent mutuellement.

Propos recueillis par Aubin Banzouzi
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