Les Congolais semblent, ces jours-ci, tendre longues leurs oreilles, attendant un geste fort qui viendrait du palais. Et pour cause ; les sons multiples émanant notamment de l’aréopage politique national agissent dans leur subconscient comme un catalyseur. Décryptage.
Du milieu du mois de décembre dernier à la date d'aujourd'hui, le président de la République, Denis Sassou N'Guesso, a beaucoup communiqué. A commencer par le message sur l'état de la nation qu'il a délivré devant le parlement réuni en congrès, le 17 décembre ; ses vœux aux Congolais et à la force publique, le 31 décembre ; l'échange avec les diplomates, les corps constitués nationaux et les forces vives de la nation, respectivement les 6, 7 et 8 janvier ; et plus récemment sa prise de parole devant ses honorables invités du sommet du comité de haut niveau sur la crise libyenne, le 30 janvier. Tout compte fait, une présence remarquée sur la scène nationale et africaine.
Au fond, ce n'est pas tant pour le caractère serré de ces interventions au cours desquelles il a dit l’essentiel sur la marche de la nation que le président n'aurait plus besoin, si on ose dire, de parler, d'agir, de continuer à travailler. Au contraire, les sujets qui l'incitent à accommoder d'autres séries de messages verbaux ou non sont nombreux, au plan intérieur surtout, et donc il n'est pas exclu que le chef de l'Etat revienne à la charge quand le moment s’y prêtera devant les attentes de ses compatriotes.
Quels sont ces sujets ?
Dans une sorte de tapage collectif -il faut considérer cette séquence comme relevant du dynamisme de la démocratie dans le pays- les leaders politiques de la majorité et de l'opposition sont sur le devant de la scène. Ils invoquent le dialogue national, la crise économique, la crise du Pool, la violence juvénile, les échéances électorales dont la présidentielle de l'année prochaine. Ils divergent fortement mais ne cessent, chacun dans son camp, de défendre leurs points de vue. Comme le citoyen lambda, ils surfent sur les calamités environnementales de ces temps-ci symbolisées par les érosions, les glissements de terrain et les inondations. L'effondrement d'une partie de la célèbre route de la corniche à Brazzaville éveille leur bon droit de garder un œil critique sur l’action publique.
Puis aussi, les échos de cette rumeur increvable relayée par la presse internationale sur un éventuel remaniement gouvernemental. Sur ce dernier point, les noms sont même avancés, diverses sources prêtant au chef de l'Etat d'avoir mis à profit son précédent séjour à Oyo, dans sa ville natale, il y a quelques jours (avant le déplacement du week-end au cours duquel il s'est entretenu avec son homologue de RDC, Felix Tshisekedi), pour peaufiner la liste de ce gouvernement à venir. Il est plutôt logique de souligner que ce voyage-là était lié au deuil qui touchait la famille présidentielle.
Une certaine psychose ?
Toutes ces informations créent au sein de l'opinion nationale une ambiance assez perplexe, qui fait dire à certains que nécessairement, d'une manière ou d'une autre, le président de la République va faire ou dire quelque chose. Laquelle ? Là est le nœud du problème car comme chacun sait, rarement le chef de l'Etat a tranché sous pression. En revanche, il a toujours avisé toutes les fois que du côté de ses compatriotes dont il n’est pas malvenu de dire qu’une certaine complicité de longue date est palpable, s'élèvent des voix qui lui demandent de se montrer. Dans un tel contexte, l'idée de pression qui émanerait de ces derniers serait inappropriée. Il s'agit sans nul doute de cette soif d'en apprendre un peu plus du Premier citoyen garant de l'ordre établi et de la continuité de l’Etat.
En 2015, quand il fut question de changer la Constitution, le président de la République avait pris le temps d'écouter les arguments des parties en présence avant d'organiser des consultations qui donnèrent les résultats qu’on connaît. La différence, aujourd'hui, réside dans le fait que les problèmes énumérés plus haut relèvent beaucoup plus de la gestion quotidienne de la chose publique que d'une démarche visant le changement de la loi fondamentale. Mais il se pourrait que ce quotidien qui préoccupe ait valeur de test pour la consolidation des acquis des dernières décennies. D'où la primauté qui revient au chef de l'Etat de garder intacte l'initiative des grandes annonces. Ne doutons pas que ce contrôle de la situation nationale est de son ressort.