Défis sécuritaires en Afrique : la pacification des foyers de tensions passe par l’éradication des causes profondes

Lundi, Mars 9, 2020 - 18:00

Dans le cadre de l’ambition affichée par l'Union africaine (UA) lors de son dernier sommet à Addis-Abeba (Ethiopie) de peser plus en vue de la résolution des violences qui déchirent le continent, des mesures drastiques sont déjà prises ou en voie de l’être en faveur des zones de conflit. Reste à savoir si toutes ces initiatives seront soutenues pour que les pays et territoires concernés renouent avec la paix.

C’est dans le but de résoudre des conflits et de maintenir la paix sur le continent qu’il est prévu en mai une rencontre sur les questions sécuritaires en Afrique du Sud, qui a pris la présidence tournante de l’UA lors du dernier sommet de l’organisation. En attendant ces assises, et dans l'objectif de « faire taire les armes » partout en Afrique, des actions de pacification sont déjà envisagées dans des régions et pays déchirés par les violences.

Le Sahel fait partie des zones où une opération vigoureuse est attendue puisque des attaques djihadistes qui y sont perpétrées - souvent entremêlées à des conflits intercommunautaires -, ont fait 4.000 morts en 2019 au Burkina Faso, au Mali et au Niger, cinq fois plus qu'en 2016, selon l'ONU, malgré la présence de forces régionales, onusiennes et internationales.

Hormis cette partie de l’Afrique de l’Ouest, l’UA qui a certes permis récemment de faire avancer la paix en Centrafrique et au Soudan s’emploie maintenant à résoudre des conflits qui persistent, comme en Libye et au Soudan du Sud, mais aussi dans des pays où ils sont nés, notamment au Mozambique et au Cameroun. Et s’il est vrai que l’action militaire, comme au Sahel, peut contraindre les insurgés à capituler, le combat contre les causes profondes des conflits, dont la pauvreté, l’absence de démocratisation et l'exclusion, ne doit pas être oublié. Ce qui signifie que l’endiguement actuel des violences par les forces de défense et de sécurité nationales et internationales est nécessaire mais insuffisant parce qu’il ne s’attaque pas à leurs causes profondes.

Afin de mener à bien les missions de maintien de la paix envisagées, qui nécessitent un financement conséquent, les dirigeants africains ne devront donc pas oublier que les nouveaux risques sécuritaires sont liés à des questions de gouvernance et de développement.

« Pas de sécurité sans développement »

Une idée soutenue par l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, selon laquelle « il n’y a pas de sécurité sans développement, il n’y a pas de développement sans sécurité ». De ce point de vue, les Etats sont donc appelés à travailler d’arrache-pied pour favoriser le développement économique afin d’étouffer certaines causes profondes des conflits.

En ce qui concerne les défis sécuritaires au Sahel par exemple, l’organisation panafricaine compte intervenir militairement en y déployant trois mille soldats, pour tenter d'enrayer la progression du djihadisme et la dégradation de la situation dans la région, même si les modalités de l’envoi de ces troupes n’ont pas encore été précisées ainsi que le calendrier exact du déploiement.

Le commissaire de l'UA à la paix et la sécurité, Smaïl Chergui, qui a confirmé le futur envoi de cette force pense que la décision de travailler au déploiement des troupes pour « aider les pays du Sahel à affaiblir les groupes terroristes » est une opportunité bénéfique au G5 Sahel et à la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest). « Cette décision a été prise parce que (...), la menace progresse et devient plus complexe », a-t-il déclaré, dans le cadre d'un sommet UA/Union européenne, tenu le 27 février, dans la capitale éthiopienne.

L'ambassadeur sud-africain auprès de l'UA, Edward Xolisa Makaya, souhaite que le déploiement de soldats pour six mois qui est « un geste de solidarité avec les peuples du Sahel » se fasse dans « le cours de l’année » pour que ces troupes puissent « affronter la menace à laquelle ils font face ».

Déterminée à faire aboutir le projet, l’organisation panafricaine a déjà lancé des appels à contribution avec l’espoir qu’ils soient suivis, même si à ce jour, aucun pays ne s'est encore officiellement dit prêt à envoyer des soldats, et que le mode de financement de l’initiative n'est pas non plus connu.

Si pour l'organisation continentale tout doit être fait pour l’envoi des troupes au Sahel dans les meilleurs délais, Elissa Jobson, experte auprès de l'International Crisis group, exprime des doutes sur l'efficacité de l'initiative. « Même si c'est bien de voir que les dirigeants de l'UA montrent un réel intérêt pour le conflit au Sahel et sentent qu'ils doivent faire quelque chose, le déploiement de soldats n'est pas forcément la réponse adéquate », estime-t-elle, ajoutant qu’une stratégie politique bien conçue devrait aussi « inclure le dialogue avec les groupes djihadistes dans la région ». De son côté, le chef de la diplomatique européenne, Josep Borell avance que la mesure des dirigeants africains est « très bien venue ».

L’Afrique ne veut pas être marginalisée au sujet de la Libye

Le continent ne veut pas jouer les seconds rôles dans la résolution de la crise libyenne. C’est ce qu’elle revendique depuis quelque temps dans les rencontres internationales consacrées à la Libye. Cela a été le cas le 19 janvier lors de la conférence de Berlin (Allemagne), le 23 janvier à Alger (Algérie) lors de la réunion des pays voisins de la Libye, le 30 du même mois à Brazzaville (République du Congo) à l’occasion du 8e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du comité de haut niveau de l’UA sur la Libye que préside le chef de l’Etat congolais, Denis Sassou N’Guesso. De plus, le 33e sommet de l’union tenu du 9 au 10 février à Addis-Abeba a réaffirmé sa position consistant à privilégier le dialogue inter-libyen dans la recherche de la solution au conflit avant tout processus électoral. Une position commune à l’Afrique qui va être une nouvelle fois rappelée à l’opinion internationale le 12 mars à Oyo, à quelque 400 km au nord de la capitale congolaise, suivie de nouvelles pistes à entrevoir pour atteindre au plus vite les objectifs fixés. Et l’Afrique insiste sur cette manière de régler la crise libyenne, convaincue que toute stratégie de résolution de celle-ci tendant à marginaliser le continent pourrait se révéler inefficace et contre-productive.

Au Soudan du Sud, le suivi des termes de l’accord conclu en 2018 doit être de rigueur même si le président sud-soudanais, Salva Kiir, et son rival Riek Machar partagent à nouveau le pouvoir – ce dernier étant redevenu vice-président depuis le 22 février, pour la troisième fois depuis l’indépendance du pays en 2011. Une telle attention s’avère toujours nécessaire parce que la marche vers la paix sera encore longue et périlleuse pour ces deux hommes et leurs partisans, après six années d'une guerre civile destructrice.

La situation dans le Nord du Mozambique, théâtre d'une insurrection islamiste depuis octobre 2017, et où les attaques se sont récemment intensifiées, semant la terreur, fait tout aussi partie des préoccupations du continent, tout comme au Cameroun au sujet de la crise séparatiste anglophone qui se poursuit, malgré la tenue d’un dialogue national inclusif, du 30 septembre au 4 octobre à Yaoundé, la capitale.

Nestor N'Gampoula
Légendes et crédits photo : 
Photo 1: Les dirigeants de l'UA Photo 2: Les soldats de l'organisation panafricaine
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