Politique de sécurité et de défense commune : les sept défauts d’EUTM Mali selon le chercheur Denis Tull

Vendredi, Mars 13, 2020 - 15:11

Le constat est sévère. Malgré son effectif (environ cinq cents personnes) et son antériorité (sept ans), la mission de formation de l'Union européenne au Mali, EUTM Mali, n’est pas pleinement efficace. 

Cette mission souffre de sept grands problèmes, selon le chercheur Denis Tull de l’Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem).

1- La gestion d’un double défi : combattre et reconstruire

Au Mali, le fait que les forces armées soient déjà engagées en opérations est une ''contrainte importante [et] souvent négligée'', selon l'étude de Denis Tull. Européens et Maliens ont des priorités différentes, et lorsque les objectifs s’alignent, ''les ressources et les capacités des partenaires maliens sont limitées '' ; les effectifs potentiellement disponibles sont ''peu nombreux et épuisés''.

2- Une reconstruction orientée sur l’offre et non les besoins

Sans cadre stratégique défini, les Maliens rejettent rarement, ''voir jamais'', une offre de soutien (formation, équipement, conseils), qu'elle soit adaptée, ou pas, à leurs besoins et priorités réels. Une partie des véhicules (camions, ambulances…) souvent d’occasion offerts au Mali ''ne verront jamais le champ d’opération ou tombent en panne à la première utilisation car ni budget, ni pièces de rechange, ni expertise mécanisme n’ont été programmés''.

3- Un vrai manque de coordination 

"Un autre inconvénient de la rupture entre l’offre et la demande est la mauvaise coordination de l’aide extérieure. Elle n’est ni appliquée par la partie malienne, ni assumée de manière adéquate par les donateurs", y compris Européens. Malgré quelques efforts récents, "il ne semble guère y avoir plus que des échanges d’informations". Les acteurs internationaux sont également pointés du doigt tentant chacun de divulguer ses propres "concepts militaires et de cultures d’origine étrangère qui coexistent de façon malaisée ". 

4- Une formation insuffisante et inefficace

La formation par EUTM Mali fait l’objet de critiques fréquentes et persistantes, souvent partagées par les membres de la mission. Par exemple, la durée trop courte des formations, insuffisante pour avoir un impact important sur l’efficacité des FAMa sur le champ de bataille. Et une incertitude sur l'impact de la formation des formateurs. Parfois, les soldats maliens sont formés avec des équipements que leur armée ne possède pas.

5- Des intérêts divergents

Si l’objectif de EUTM est de contribuer à la reconstruction d’une armée compétente, professionnelle et efficace, ''il est douteux que les dirigeants politiques et/ou militaires du Mali partagent cet objectif ''. Et l’externalisation de la sécurité constitue une garantie de sécurité contre la propre armée malienne, sujette aux coups d’État.

6- La résistance au changement 

EUTM Mali fait face à une résistance ''notable'' pour les projets relatifs à la gouvernance et l’efficacité dans le secteur de la sécurité. Autre défi : la mise en place d’un système de gestion des ressources humaines, ou d’un nouveau système de paie, bloquée par les ''intérêts particuliers, notamment le racket et la corruption'' et les faibles capacités de supervision. Le soutien budgétaire de l'Union européenne (UE) aux progrès dans des réformes (14 millions) est dérisoire pour créer un véritable effet de levier.

7- Un vide institutionnel 

La plus grande faiblesse de l’assistance au secteur de la sécurité au Mali est peut-être son articulation autour de problèmes institutionnels plutôt que de chercher à les résoudre. Le premier obstacle institutionnel est l’État malien. Le second concerne le réseau institutionnel du secteur de la sécurité, qui souffre de corruption et d’une culture organisationnelle dysfonctionnelle. Tant que ces problèmes ne montrent pas de signes d’apaisement, il y a peu de chances que les FAMa deviennent une armée plus professionnelle.

Noël Ndong
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