Coopération : la nouvelle politique américaine pour l’Afrique met en avant l’engagement économique

Lundi, Mars 16, 2020 - 10:00

Si d’une manière générale Washington ne manifestait pas un grand intérêt pour l’Afrique depuis l’arrivée au pouvoir du 45e président américain, les choses semblent changer en raison de l’enthousiasme suscité ces derniers temps par l’administration Trump pour le continent. Une volonté qui consacre dorénavant le renforcement de son engagement dans cette partie du monde réputée riche et en pleine croissance.

Même si la politique africaine des Etats-Unis sous Donald Trump n’accordait pas jusqu’ici une priorité à l’Afrique, nombreux sont des dirigeants américains qui évoquent depuis un certain temps des « opportunités » que le continent présente pour leur pays.  C’est pour cela qu’ils veulent que le partenariat entre les deux parties soit stimulé à l’instar des initiatives Pepfar, Power Africa, ou Agoa, lancés par les administrations précédentes, ainsi que par de nouveaux engagements. Ces trois programmes que sont le Pepfar (Plan Présidentiel d'Urgence contre le sida), Power africa ou Energie pour l’Afrique (vaste plan d’électrification de l’Afrique) et l’Agoa (African Growth Opportunities Act) ou Loi sur la Croissance et les Opportunités de Développement en Afrique, ont été vivement salués.

Soucieux de renforcer ce partenariat, les Etats-Unis développent déjà des liens commerciaux et des investissements louables avec l’Afrique, où ils sont encore peu présents. A cet effet, une série d’événements lancés en 2019 dans le cadre du projet Prosper Africa, par lequel Washington cherche à renforcer la présence économique américaine dans le continent, va se poursuivre après l’organisation d’une conférence ayant réunis, le 6 février à Tunis (Tunisie), plusieurs hommes d’affaires américains et africains.

Après la capitale tunisienne où 450 sociétés dont 50 américaines étaient présentes, ainsi que des multinationales comme Microsoft, Haliburton ou General Electric, des banques, des start-ups et des entreprises implantées de longue date dans plusieurs pays africains, d’autres hauts lieux d’échange sont prévus. Ils devront permettre au partenariat bilatéral d’exceller dans plusieurs domaines dont l’innovation, la production et la distribution de l’électricité, l’agroalimentaire et la santé, mais aussi favoriser des rencontres directes entre les dirigeants de sociétés.

« Le gouvernement américain s'engage à hauteur de 50 millions de dollars (45,4 millions d'euros) pour mettre en œuvre Prosper Africa », a indiqué la porte-parole francophone du département d'Etat Marissa Scott-Torres. « Cela peut sembler peu mais c'est une clé pour ouvrir la porte des échanges commerciaux et des investissements », a-t-il souligné en présentant l’échange Afrique-Etats-Unis de gagnant-gagnant.

Prosper Africa, notons-le, a été annoncé fin 2018 par l'administration Trump, qui l'a présenté comme une façon de répondre à la concurrence « prédatrice » des puissances russe et chinoise en Afrique.

Répondre à la concurrence russe et chinoise

Pour le sous-secrétaire américain au commerce par intérim, Joseph Semsar, en organisant la rencontre de Tunis, l’administration américaine a voulu rassembler au sein d'une seule structure les outils pour « promouvoir le commerce et l'investissement ». « Les entreprises américaines et africaines seront connectées à de nouveaux acheteurs, fournisseurs, et opportunités d'investissement », a-t-il relevé.

La récente visite du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, la première du genre sur un continent pour lequel l’administration Trump était quelque peu indifférente au sujet de certains secteurs d’activités, s’inscrivait également dans le cadre de la consolidation de la coopération entre les Etats-Unis et l’Afrique. Effectué du 15 au 19 février, respectivement à Dakar (Sénégal), à Luanda (Angola) et à Addis-Abeba (Ethiopie), ce périple marathon a été l’occasion de ficeler d’accord partie des projets non seulement en matière de sécurité, mais aussi d’économie.

Malgré leur engagement quelque peu timide sur le continent africain, les Etats-Unis ne cessent de développer le commerce avec l’Afrique. En 2017 par exemple, leurs échanges commerciaux étaient de l’ordre de 55 milliards. L’année suivante, les échanges bilatéraux - avec l'ensemble des pays africains - ont atteint 62 milliards de dollars (56,3 mds d'euros), selon les derniers chiffres officiels.

Au plan diplomatique, les États-Unis ont une présence permanente dans une cinquantaine de pays, dont les deux Congo. Washington apporte, par ailleurs, une assistance sanitaire non-militaire à l’Afrique subsaharienne, incluant l’humanitaire et la santé, estimée à 12 milliards de dollars (à titre de comparaison, pour la Chine, le montant était autour de 2 milliards). De plus, le gouvernement américain finance des opérations africaines de maintien de la paix, soutient la jeunesse, promeut la démocratie et la bonne gouvernance.

L’intérêt que portent les Etats-Unis pour l’Afrique est certes reconnu, mais le pays est encore loin de faire concurrence à la Chine sur le terrain économico-commercial africain, selon plusieurs analystes. Pour ces derniers, qu’il s’agisse d’infrastructures ou de ressources naturelles, Pékin a marqué de son empreinte ce continent, se posant en concurrent numéro un des puissances occidentales.

Commentant « ce réveil américain sur l’Afrique », François Gaulme, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales affirme qu’il « survient parce que plusieurs partenaires de l’Afrique ont une attitude très offensive ces derniers temps ». Il se réfère à Londres et surtout à Pékin qui y a investi massivement ces dernières années, y compris les 60 milliards de dollars promis lors du sommet Chine-Afrique de 2018 à titre de nouveaux financements. De son côté, Jeff Hawkins, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques estime que les Etats-Unis « ne peuvent pas rester en retrait alors que d’autres puissances sont très actives sur le continent ».

 

Nestor N'Gampoula
Légendes et crédits photo : 
Photo 1: containers de produits Agoa destinés aux Etats-Unis Photo 2: Poignée de main entre Mike Pompeo et Joao Lourenço
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