Francophonie : un 50e anniversaire en berne

Vendredi, Mars 20, 2020 - 14:15

En raison de la pandémie du coronavirus qui s’étend à travers le monde,  des manifestations visant à célébrer les 50 ans de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ont été annulées.

Les festivités devaient se dérouler à Niamey, au Niger, là même où fut signée, en 1960, une convention qui deviendrait l’acte de naissance de cette organisation dédiée à la langue française et plus largement à la francophonie.

Près de quatre cents événements en tout genre seraient organisés, du 20 mars au 31 décembre, sur chaque continent. Tout un panel d’événements culturels, sportifs, économiques s’ancre sur le calendrier 2020 autour d’un même fil rouge : le cinquantenaire de l’Organisation internationale de la francophonie. Mais la fête sera quelque peu perturbée et sous tension.

Le Covid-19 n’est visiblement pas la seule raison à semer au sein de cette organisation. Il semble que la prise de fonction le 3 janvier 2019 de sa secrétaire générale, la Rwandaise Louise Mushikiwabo, fait aussi grincer des dents. Celle qui a pris la tête d’une structure visant à promouvoir la langue française n’en serait pas la meilleure ambassadrice selon de nombreux experts. Louise Mushikiwabo est largement identifiée au gouvernement rwandais, dont le régime défie des principes fondateurs de la francophonie (droits de l’homme notamment). C’est aussi un pays qui a remplacé le français par l’anglais comme langue obligatoire à l’école, qui en a fait sa langue officielle, et qui a par ailleurs adhéré au Commonwealth.

De son côté, Louise Mushikiwabo n’y voit aucune contradiction : « L’anglais, c’est aujourd’hui la langue de la Silicon Valley, de la technologie, de la recherche, des réseaux sociaux. C’est une réalité et, par ailleurs, l’essentiel de l’activité économique du Rwanda se fait avec l’Afrique de l’Est », expliquait-elle au journal français Le Monde, peu après sa nomination.

Pourtant, depuis toujours, l’OIF (qui fut d’abord l’ACCT) s’assigne une mission claire : promouvoir le français et surtout, développer des liens et intérêts communs entre les pays qui ont la langue de Molière en partage. C’est toute la philosophie prônée au début des années 60 au Niger, où l’homme politique nigérien Hamani Diori, premier président de la République du Niger (1960-1974) avec le Sénégalais Léopold Sedar Senghor, le Tunisien Habib Bourguiba et le Cambodgien Norodom Sianouk défendent une Francophonie politique et institutionnelle.

50 ans de changements

Ainsi, le 20 mars 1960, les représentants de 21 États et gouvernements signent une Convention portant création de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT). À l’origine, la coopération entre les différents pays est avant tout éducative et culturelle.

Mais l’organisation prend une nouvelle dimension politique en 1984 sous l’impulsion du président français François Mitterrand : il organise le premier Sommet de la Francophonie en 1986 à Versailles (France), auquel 42 États et gouvernements y participent, qui déterminent quatre domaines de coopération multilatérale : le développement, les industries de la culture et de la communication, les industries de la langue ainsi que le développement technologique couplé à la recherche et à l'information scientifique.

En 2005, l’ACCT devient Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et représente maintenant trois cents millions de personnes dans le monde. Elle regroupe 88 États et gouvernements ayant la langue française (5e langue mondiale actuellement) en commun et devant affronter un même défi : maintenir la langue française à flot, et cibler ses efforts sur l’enseignement français. Pas si facile dans un monde en perpétuelle évolution, une structure qui semble de plus en plus géopolitisée, et des budgets en baisse. En effet, la France, le premier contributeur de l’OIF, a sensiblement baissé les subventions des Alliances françaises et réduit la voilure budgétaire des établissements d’enseignement du français à l’étranger. Or même Louise Mushikiwabo en convient : « La seule façon de maintenir le français, c’est de l’enseigner de façon substantielle sur le continent africain. »

Coronavirus ou pas, ce sont des bougies semées de désillusion qui risquent de marquer les 50 ans de l’Organisation internationale de la francophonie.

Josiane Mambou Loukoula
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