Après la crise du Covid-19, l'Afrique sera confrontée à une réalité nouvelle. Compter plus sur ses propres ressources que sur l'aide au développement pour faire face aux séquelles laissées par la pandémie. L'ancien Premier ministre du Burkina Faso, Tertius Zongo, directeur de la chaire Sahel de la Fondation pour les études et la recherche sur le développement international (Ferdi) et Emmanuel Pinto Moreira, directeur de recherche à la Banque africaine de développement (Bad), font le point.
Emmanuel Pinto Moreira appelle à une autre mondialisation. A court terme, il s'interroge sur le ciblage des personnes les plus pauvres, souligne la difficulté de confiner des populations qui travaillent dans l'informel - prioritaires en matière d'aides. À plus long terme, il pense que cette crise va donner l’opportunité à une forme de "déglobalisation", en termes de blocs (Chine, Europe et Occident, Afrique, etc.). A cet égard, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) représente "une opportunité intéressante", souligne-t-il, "à condition qu’elle soit bien menée : taxation commune, politiques de libéralisations communes, etc".
Tertius Zongo souligne pour sa part que l'Afrique est diverse. C'est le cas de la région du Sahel, confrontée à l'insécurité et à la pauvreté. Ce qui ne permet pas d'assurer le développement. Il rappelle que l'aide au développement n'a jamais créé le développement - elle l'accompagne simplement - néanmoins, "il s'agit de parer au plus urgent, face aux difficultés budgétaires des pays africains". Ces facteurs de fragilité sont enracinés dans les pays sahéliens. Et la paix est un bien public qui impose d'agir, indique l'ancien Premier. "Mais comment-agir ? ", poursuit-il.
Il propose de "croiser les différents regards afin de définir les points sur lesquels il faut avancer".
"Les politiques économiques n’ont jamais pris en compte les facteurs de fragilité de l’Afrique. Il faut améliorer la réflexion sur l’économie-politique de nos pays ; il faut s’appuyer davantage sur l’histoire de nos sociétés. Cette question n’est jamais posée ainsi", ajoute-t-il. Pour que l’aide soit efficace, plusieurs conditions doivent être remplies. A savoir, une approche collégiale, une association de tous les acteurs, une innovation en matière d'acteurs, "ne faisant plus appel systématiquement au grandes institutions ou aux grandes entreprises, en associant les ONG et les collectivités locales, en aidant les pays à rester maîtres de leur politique".
L'urgence, pour Tertius Zongo, revient à sauver des vies, en renforçant les systèmes de santé. Il faut aussi garder l’économie en état de marche, garantir le bon fonctionnement des services publics, et parvenir à "planter les graines d’une résilience future". Sur le plan politique, il plaide pour un équilibre entre la liberté et la sécurité. Pour conclure; "il faut éteindre rapidement les velléités nationalistes qui affaiblissent les efforts de panafricanisme, accélérer la coopération et l’intégration régionale."