Oui, la France libre fut africaine …

Réflexion

N’oublions jamais que le mois d’août 1940, il y a tout juste quatre-vingts ans, vit la France qu’Adolf Hitler avait mise à genoux commencer à se redresser et que ce redressement débuta en réalité au cœur de l’Afrique grâce au général de Gaulle qui, depuis Londres le 18 juin de cette même année, avait appelé les Français à s’engager dans la résistance afin de retrouver leur honneur, leur liberté, leur grandeur, la maîtrise de leur destin.

 

Quatre dates ont marqué ce rebond qui permit à la France libre de s’institutionnaliser, donc de revivre sur le plan international grâce au Manifeste de Brazzaville publié le 27 octobre et au Comité de défense de la France Libre créé le 28 octobre : le ralliement du Tchad et de son gouverneur Félix Eboué le 26 août, le ralliement du Cameroun grâce au commandant Leclerc le 27 août, le ralliement du Congo avec le médecin général Adolphe Sicé et le colonel de Larminat le 28 août, le ralliement de l’Oubangui-Chari (aujourd’hui la Centrafrique) avec le gouverneur Pierre de Saint-Mart le 29 août. Des évènements auxquels il convient d’ajouter le ralliement tardif du Gabon au mois de novembre de cette même année.

 

Quatre dates qui ont vu la France libre s’organiser sur le plan militaire, politique, diplomatique, mais que les historiens ont quelque peu tendance aujourd’hui à oublier en raison des grands évènements qui ont  marqué, quatre ans plus tard,  la libération de l’Europe par la France, l’Angleterre, les Etats-Unis et leurs alliés, tout particulièrement le débarquement de leurs forces armées en Normandie et en Provence qui permit la reconquête de l’espace européen, puis l’effondrement du régime nazi.

 

Alors que se prépare, à Brazzaville précisément, la commémoration de la venue du général de Gaulle le 26 octobre et des actes qui en ont découlé, permettant à la France libre de s’imposer comme un acteur incontournable de la libération de l’Europe, il convient de rappeler que c’est l’Afrique centrale  dans son ensemble – alors dénommée officiellement Afrique équatoriale française – qui a permis le rebond historique auquel l’Afrique de l’ouest s’était elle-même opposée en refusant au général de Gaulle de s’installer à Dakar, la capitale du Sénégal. De rappeler aussi la place essentielle que les soldats venus de ces différents pays ont occupée tout au long de cette libération sacrifiant leur vie comme ils l’avaient fait durant la Première Guerre mondiale lorsque la France avait mobilisé les « tirailleurs » africains au côté de ses troupes.

 

Que « La France libre fut africaine », comme l’a rappelé récemment l’historien Eric Jennings dans un livre qui illustre, documents à l’appui, le rôle que joua l’Afrique dans la libération de l’Europe (1) est une réalité que nous devons tous avoir présente à l’esprit : d’abord, évidemment, car cette page de l’Histoire commune de l’Afrique et de l’Europe ne s’effacera jamais ; ensuite parce qu’elle rappelle très opportunément, en cette année où l’on commémore la naissance de la France libre, ce que le Vieux continent et pas seulement la France doivent aux peuples africains.

 

Faisons donc en sorte que les commémorations  du mois d’octobre, à Brazzaville, contribuent fortement au resserrement des liens qui unissent les deux continents.

 

  1. Eric Jennings : « La France libre fut africaine ». Editions Perrin. 2014. 352 pages.

 

Jean-Paul Pigasse
Dimanche, Août 16, 2020 - 15:41
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Édition Quotidienne (DB)
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