Interview. Marlin Mpiana : « Le football, comme toute autre institution, n'est pas une affaire d'un seul homme »

Mercredi, Août 19, 2020 - 15:45

Le public congolais a découvert Marlin Mpiana en 2003, lors de la première journée des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2004 que les Tunisiens ont accueilli et remporté. Ce jour-là les ex-Simba (aujourd’hui Léopards) étaient reçus par les Verts de la Jamahiriya libyenne, le score du match : trois buts à deux en faveur de la sélection hôte. A côté de l’habituel Chris Shabani Nonda, le nouveau de la sélection venait de prendre ses marques en marquant le second but congolais pour sa première apparition. Ci-dessous l'interview accordée au Courrier de Kinshasa, en collaboration avec le free-lance Franklin Sydney Mahuku.

Le Courrier de Kinshasa : Marlin Mpiana, veux-tu te présenter aux nombreux lecteurs et internautes qui vont lire cet entretien.

Marlin Mpiana : Ancien international, Je suis actuellement le secrétaire général de l'association Le CIC (Club des internationaux congolais de football).

LCK : Qu’est-ce que vous êtes devenu après votre carrière de footballeur ?

MM : Ma carrière n'a malheureusement pas été aussi longue que je l’espérais à cause des blessures graves. J'ai alors repris mes études universitaires. A la suite de quoi, j'ai débuté une autre carrière loin du football. Je suis peu à peu revenu dans le monde du  foot jusqu'à prendre part à cette initiative.

LCK : Binational né des parents congolais vivant en France, comment avez-vous pris l’option de jouer pour la RDC ?

MM : Je ne suis pas né en France, j'y suis arrivé très jeune et j’y ai donc grandi. Ma première sélection avec la RDC a commencé par une lettre qui a été adressée à mon club alors que je débutais en pros avec mon club formateur, Troyes. J'ai été surpris et honoré à la fois. La décision a été prise de façon très naturelle, je n'avais pas besoin de réfléchir pour ça. Je me suis présenté au lieu de rencontre le jour « j » où j'ai rencontré Papa Eugene Kabongo qui était dans le temps, le manager général, il m'a accueilli et m'a tout de suite mis à l'aise.

LCK : Au regard de ce que vous avez vécu, vous qui vivez en Europe, accepterez-vous que votre fils joue pour les Léopards de la RDC ?

MM : Je suis d'avis à plutôt laisser mon fils vivre ses propres expériences. Je pourrais, éventuellement le conseiller et lui  raconter les moments extraordinaires que j'ai pu vivre en jouant avec la RDC, je pense que ça le convaincrait.

LCK : Le samedi 8 août, vous avez lancé le CIC Foot. Quels sont les objectifs que vous avez assignés à cette association ?

MM : Cette association est née d'une volonté commune de se prendre en main et de jouer un rôle dans le développement de notre football. Nos objectifs principaux sont ce que nous appelons nos « piliers fondamentaux », tant l’association repose sur ces principes  que sont la responsabilisation et conscientisation des footballeurs congolais ; la formation pour assurer une reconversion décente et avoir un vivier de compétence pouvant participer au développement de notre football ; la valorisation et la mise à l’honneur d'anciens footballeurs et légendes ; et l’entraide pour nos membres dans le besoin.

LCK : l’Association ne vise-t-elle que celui qui a été international du football congolais ? Ne pensez-vous pas élargir le cercle à ceux, d’origine congolaise, mais qui ont joué pour les sélections de leurs pays d’adoption, et pourront avoir un mot à dire sur le développement du foot en RDC ?

MM : L’association a été créée par les internationaux pour les internationaux initialement. Nous avions fait ce choix pour constituer un groupe de personnes qui ait un point assez fort pour constituer un noyau dur qui porterait l’association vers les objectifs fixés. Une fois cette étape de la consolidation passée, nous allons ouvrir l'adhésion à d'autres personnes qui ne sont pas nécessairement internationales avec d'autres profils et provenant même de groupe de métiers différents, mais qui ont en commun une volonté de faire évoluer le débat sur le développement du football, et se reconnaissent dans les valeurs prônées par l'association et qui ont des compétences pouvant apporter une valeur ajoutée à notre assemblée.

LCK : Croyez-vous que votre structure sera validée par la Fédération congolaise de football association (Fécofa) pour une éventuelle validation par les autorités administratives compétentes ?  Et si la Fécofa oppose son véto, qu’est-ce que vous allez faire ?

MM : La Fécofa connaît notre structure et nous avons même le soutien du président Omari. La Fédération a également été invitée à notre cérémonie de lancement, et nous espérons, dans l'avenir proche, travailler en collaboration avec elle.

LCK : Lors de la sortie officielle de CIC, on a noté la présence de pas mal d’anciens, dont trois mémorables mondialistes, à savoir Adélard Mayanga, Tumba Pouce, et Raymond Bwanga. Avez-vous fait la paix avec les anciens ?

MM : Il n'y a jamais eu d'animosité avec les anciens. Nous avons un profond respect pour eux et même une certaine admiration. Ils soutiennent tous cette initiative et nous projetons de les inviter régulièrement aux représentations que nous tiendrons, parce que nous considérons que le passé est aussi important que l'avenir.

LCK : L’opinion sportive congolaise remarque qu’entre les différentes générations de Léopards dans l’ensemble, vous ne parlez pas le même langage et la crainte est celle de voir votre structure durer moins d’une saison…

MM : Cette structure est née d'une longue analyse de la situation que nous avons trouvée. Et tout ce que nous mettons en place a été mûrement réfléchi, notamment dans l'idée de ne pas commettre les erreurs du passé d'où aussi l'importance de la présence des anciens.

LCK : Si aujourd’hui on accepte que quelques membres de votre association fassent partie de l’assemblée de la Fécofa, quelles seront les innovations que vous allez apporter au sein de cette assemblée ?

MM : Il faut comprendre que nos prérogatives sont nombreuses, diverses. Ce serait quasiment une insulte au travail fourni par le comité de l'association que de les réduire à une attente de poste. De plus, le CIC est une association qui propose et fait, elle n'attend rien. Et nos collaborations ne sont pas  réservées aux institutions footballistiques, elles s'étendent aux institutions étatiques, etc.

LCK : Aujourd’hui à la Fifa comme à la CAF, les anciens footballeurs sont dans des grandes commissions. Didier Drogba pourrait être élu président de la Fédération ivoirienne de football. Qui parmi vous les anciens peut diriger la Fécofa à l’avenir ?

MM : Encore une fois, là n'est pas l'objectif du CICFoot. Mais pour répondre à votre question, le football, comme toute autre institution, n'est pas une affaire d'un seul homme. La direction d'une institution se fait avec des gens compétents dans leurs départements respectifs. Donc, pour garantir la pérennité de cette institution, il faut s'assurer qu'il y ait toujours des personnes compétentes prêtes à prendre le relais.

LCK : Quels sont les grands moments que vous gardez de votre passage chez les Léopards ?

MM : Pratiquement tous. Mon premier match en Lybie, même si il s'est soldé par une défaite, le match retour contre la même équipe et les deux buts de la victoire qui nous qualifient, etc.

LCK : Qu’est-ce que vous regrettez de n’avoir pas pu accomplir dans la sélection de la RDC ?

MM : Ce n'est pas vraiment un regret puisque je n'ai pas eu l'opportunité de le faire. Je dirai que ma douleur, c'est que les blessures ne m'ont pas permis de jouer plus de matchs avec l'équipe nationale, et éventuellement gagner un trophée avec elle, surtout que je m'en sentais capable.

LCK : Vous suivez les matchs des Léopards durant la CAN ou lors des éliminatoires du Mondial Fifa. Qu’est-ce qui manque aux Léopards pour gagner la CAN ou se qualifier à une phase finale de Coupe du monde ?

MM : C'est difficile de juger de l’extérieur. Il a manqué peu de chose la fois dernière et cette fois-ci, j'ai l'impression que ça sera le bon. Nous sommes dans tous les cas, tous derrière eux à les soutenir.

LCK : Votre mot de clôture ?

MM : Le CIC a effectué sa sortie officielle et médiatique le 8 août, vous pouvez suivre nos activités sur nos différents canaux de communication que sont notre site internet « www.cicfoot.com », sur notre page facebook « cicfoot ». Nous espérons également organiser un événement à Kinshasa l'année prochaine, selon l'évolution de la crise sanitaire. C'était un plaisir d'échanger avec vous. Merci.

Martin Enyimo
Légendes et crédits photo : 
Photo 1 : Marlin Mpiana Photo 2 : Les anciens internationaux regroupés au sein du CICFoot
Notification: 
Non