Tourisme et humanitaire : des vies humaines ôtées violemment sans cause

Samedi, Août 22, 2020 - 13:57

Les humanitaires et autres touristes qui se rendent dans les zones à risques en Afrique ou ailleurs savent qu’ils courent un réel danger dans ces endroits déconseillés. Malgré cela, ils sont déterminés à y aller, les uns dans le souci de combler les besoins pressants des populations locales, et les autres, pour favoriser l’envol de la vie socio-économique et culturelle des pays d’accueil. Fort malheureusement, certains d’entre eux périssent au cours de leur mission, tués par des bandes armées.

 

Aucun pays au monde ne néglige le tourisme, considéré en Afrique et dans les Caraïbes comme un puissant vecteur de croissance, de développement économique et de réduction de la pauvreté. Quant aux ONG à caractère humanitaire, elles exercent des activités variées. Plusieurs d’entre elles comme Acted (Agence d’aide à la coopération technique et au développement) interviennent principalement dans des pays touchés par des conflits ou des catastrophes naturelles, mais aussi dans des zones sujettes à des problèmes de sécurité alimentaire et de santé publique.

Pour ce qui est d’Acted, fondée en 1993 et basée à Paris, elle vient de perdre ses collaborateurs au Niger. Cette ONG a développé ses premiers projets à Kaboul, en Afghanistan. L’organisation est désormais présente dans 37 pays et emploie quelque 6.000 personnes à travers le monde, dont Myriam, Stella, Nadifa, Charline, Antonin et Léo, qui ont été tués le 9 août au Niger alors qu’ils n’avaient qu’entre 25 et 31 ans. A l’occasion, leur chauffeur et un guide touristique avaient également été assassinés. C’était à 60 km au sud-est de Niamey, la capitale, lors d’une excursion touristique de l’équipe dans une région qui abrite les derniers troupeaux de girafes d’Afrique de l’ouest.

Leur meurtre survenu dans un pays régulièrement frappé par les groupes djihadistes sahéliens, dont l’Etat islamique au Grand Sahara, suscite émotion, indignation et provoque des condamnations partout. Il ravive le désagrément de tous contre les terroristes qui ôtent violemment la vie à des humanitaires. « Ces jeunes n’étaient pas des soldats, n’étaient pas armés » et « étaient venus au Niger pour y faire le bien ». « Ils y ont rencontré le mal », a dénoncé le Premier ministre français, Jean Castex. « Cette incarnation du mal, la France ne la connaît malheureusement que trop (...), c’est très vraisemblablement la même haine, la même lâcheté, la même inhumanité qui étaient à l’œuvre au Niger et au Bataclan », a-t-il insisté.

Acted déterminée à rester au Niger

En Afrique, en Europe et partout ailleurs, l’on a salué la position d’Acted qui, après l’attaque meurtrière contre son personnel, a indiqué qu’elle va suspendre temporairement ses activités dans le pays, mais n’a aucune intention de s’en aller. « Nous avons décidé de suspendre nos activités (…) Mais il n’est pas question de le quitter, il n’est pas question de quitter la région, nous sommes là pour aider les bénéficiaires », a déclaré le président de l’ONG, Frédéric de Saint-Sernin. « Nous nous sentons seuls sur les terrains les plus difficiles », a-t-il ajouté.

La représentante au Niger du Haut-commissariat de l’ONU aux réfugiés, Alexandra Morelli, assure que les ONG n’entendent nullement délaisser leurs activités malgré des contraintes sécuritaires. « Le HCR, à l’instar de l’ensemble des acteurs humanitaires au Niger, poursuivra sa mission qui vise à aider les populations les plus fragiles », poursuit-elle.

Pour Moussa Tchangari, le responsable d’Alternative espace citoyen, une des plus importantes ONG locales, les réalisations des humanitaires sont très bénéfiques à la population et personne ne souhaiterait les voir partir. « Les humanitaires sont très utiles, ils apportent quelque chose. On a besoin de leur présence, on ne souhaite pas qu’ils quittent le pays à cause de l’insécurité» , souligne-t-il.

En 2019, Acted avait, à elle seule, consacré 316 millions d’euros à la mise en œuvre de 419 projets au Niger, selon son rapport annuel. L’année dernière, l’ONG qui emploie 200 salariés dans le pays y a mené une quinzaine de projets dont ont bénéficié près de 232.000 personnes. Elle a notamment réalisé des missions d’accès à l’eau potable, d’aide alimentaire d’urgence ou encore de distribution d’abris pour les populations déplacées en raison du conflit dans les zones des « trois frontières » entre Niger, Burkina Faso et Mali, et du Lac Tchad. Malgré cela, et avant le tragique événement suscité, plusieurs employés d’Acted ont déjà été pris pour cible. Plusieurs membres de l’organisation ont également été pris en otage avant de recouvrer la liberté.

Parmi les ONG installées au Niger figurent Médecins sans frontières, Action contre la faim et le Comité international de la Croix-Rouge. Cette dernière organisation assiste plus de 136.000 réfugiés et déplacés à Diffa (sud-est, où sévit le groupe djihadiste Boko Haram) et à Tillabéri, et facilite l’accès à l’eau potable à 65.000 personnes. Il a également vacciné 3 millions de têtes de bétail.

 

 

Nestor N'Gampoula
Légendes et crédits photo : 
Jean Castex rendant hommage aux humanitaires tués
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