La dernière visite d’inspection du Premier ministre, Ilunga Ilunkamba, sur le site n’a fait que confirmer les inquiétudes sur l’incapacité de la RDC à donner un nouveau cap au secteur agricole pour assurer la diversification économique et préparer l’après covid-19.
Avec ses quatre-vingt mille hectares de superficie, le projet Bukangalonzo lancé par l’ancien président Joseph Kabila, le 15 juillet 2014, amenait une petite révolution dans le secteur agricole en RDC. A lui-seul, le projet devait avoir des impacts socio-économiques considérables sur le pays, notamment la facilitation de l’écoulement des produits agricoles, la réduction des pertes post-récoltes par transformation et par écoulement des produits vers les marchés, l’intensification de la production agricole (grâce à la mécanisation) et l’augmentation des revenus au niveau local et national. Pourtant, trois ans après son lancement, l’entreprise sud-africaine partenaire du gouvernement pour la réalisation du projet, Africom Commodities, exigeait déjà le remboursement de ses 20 millions de dollars américains. Ce projet devait conduire à la création d’emplois pour dix mille Congolais dans le domaine de l’agriculture extensive entre 2014 et 2019, sans oublier la relance de l’agriculture et l’augmentation de la production alimentaire nationale.
Que reste-t-il du projet ?
Il y a d’abord le constat de désolation sur le site qui s’étend dans deux provinces, à savoir le Kwango et le Kwilu. Les installations sont à l’abandon, et la nature a repris totalement ses droits. En se rendant sur place dernièrement, le Premier ministre Ilunga a déploré les détournements honteux : « Les machines destinées à survoler des terres agricoles (épandeurs) sont clouées au sol, des tracteurs neufs jamais utilisés et dont les moteurs ont été retirés et montés sur des baleinières privés, des tonnes d’engrais chimiques abandonnées, etc. ». Pour sa part, l’ancien Premier ministre Matata Ponyo, qui était aux affaires lors du lancement du projet Bukangalonzo, parle bien d’échec : « S’il y a eu mauvaise gouvernance dans ce projet, il faut que les responsabilités soient établies et que les corrections soient bien faites ». Il n’a pas exclu d’autres enjeux souvent édulcorées volontairement ou pas. Il y a, par exemple, la lutte acharnée des importateurs des produits alimentaires qui se font un chiffre d’affaires d’au moins un milliard de dollars américains par an. Une éventuelle relance ne ferait pas plaisir à tout le monde.
L’agriculture ou rien
Aujourd’hui, la RDC est contrainte à développer urgemment des projets agricoles pour diversifier son économie trop dépendante de ses minerais. Il y va de sa survie en tant que pays au regard de l’explosion démographique et des perspectives plutôt alarmantes dans ce domaine. Pour rappel, la RDC sera l’un des principaux pays à contribuer à l’augmentation de la population mondiale au cours des prochaines années. Profitant de sa visite d’inspection, Sylvestre Ilunga a annoncé la mobilisation des fonds pour la relance de l’agriculture mécanisée sur le site du Parc agro industriel de Bukangalonzo. En effet, il n’y a pas de relance possible du secteur agricole sans ce projet phare qui devrait théoriquement être dupliqué dans plusieurs autres provinces RD-congolaises. Dans sa vision, le patron du gouvernement souhaite faire profiter au maximum le pays de ses quatre-vingts millions d’hectares de terres arables, dont seulement 10 % sont exploités au stade actuel. Cette visite précédée de celle du ministre de l’Agriculture dans le même site fait renaître un espoir perdu.