Lucie Eyenga est classée parmi les grandes voix féminines de Kinshasa. Elle a imprimé son admirable timbre vocal dans les esprits des mélomanes avec plusieurs titres, notamment « Dit moninga ».
Cette chanson a été enregistrée au sein de l’orchestre Rock-A-Mambo en1957 aux éditons Essengo sous format 78 tours. Chanté en solo, ce morceau interpelle toutes celles et ceux qui s’aiment de ne pas prendre en compte ce qui peut être dit de négatif à propos de leur union. L’ossature rythmique de ce merveilleux son fait rayonner l’admirable voix de Lucie qui tonne en Lingala : « Dit moninga wa ngai, wa ngai wa bolingo. Dit moninga wa ngai, motéma sé na yo. Dit moninga wa ngai, ata batongui pamba, bolingo na mabanzo, motéma mwa ngai mazali sé na yo », « mon cher ami que j’aime, mon cœur est en toi. Mon cher ami, quoique que l’on dise, cela n’aura aucun effet. Car mon amour, mes pensées et mon cœur s’inclinent vers toi ». Ensuite, vient le refrain : « iyoléli ya ngai na yo, bisengo ya biso mibalé, ata batongui batonga, ata bafingui ba finga, ata bayini bayina, ata balula ba lula », « en ce qui concerne la joie de notre couple même si les jaloux jasent, ils n’ont qu’à jaser. Même s’ils insultent, ils n’ont qu’à insulter. Même s’ils haïssent, ils n’ont qu’à haïr. Même s’ils nous envient, ils n’ont qu’à envier ». C’est avec un Lingala pur que l’artiste s’exprime, celui des années 1950 qui n’a pas encore subi des mélanges. Notons que Koffi Olomidé, dans sa chanson « Aspirine », extraite de l’album V12, reprend ce refrain que les ignorants lui attribuent.
En 1984, Lucie Eyenga forme, avec Abéti Massikini et son orchestre Les Redoutables, le featuring le plus spectaculaire de cette année-là. Elle signera deux disques de ses meilleurs titres à l’Industrie Africaine du Disque de Brazzaville. Dans l’un de ses disques paru sous la référence I.A.D - S 0016, se trouve sur la première piste de la face A, le remix de « Dit moninga ». Ici, les deux voix féminines se chevauchent tout en laissant frémir les oreilles à l’écoute d’un sublime chœur formé par ce duo, considéré comme l’un des plus extraordinaires du 20e siècle. Dans cette version plus améliorée que la première, on note la participation de Gérard Akueson comme directeur artistique, Jacky Arconte, arrangeur des cuivres, Claude Achalle, Nel Oliver et Freddy Kébano, ingénieurs de son, Martin Bakala et Jean Baptiste Nganga, ingénieurs assistants.
En apprenant la mort de Lucie Eyenga le 12 décembre 1987, l’écrivain Sylvain Bemba s’écria, « c’était notre Célia Cruz. De toutes les chanteuses qui ont apparu après elle sur les deux rives, elle fut la plus grande et ses suivantes ne furent que sa caricature ».
Née à Bandaka, en République démocratique du Congo, Eyenga Mosseka Lucie a eu un parcours glorieux. C’est sous la houlette du guitariste Zacharie Elenga, dit Jhimmy, qu’elle apparait sur la scène musicale. De 1954 à 1956, elle fait partie de l’African Jazz, entre 1957 et 1958, elle est dans Rock-A-Mambo. Elle a chanté au sein de Negro Band et African Fiesta Sukisa.