A la tête de la société « La Boite », basée à Kinshasa, Tisya Mukuna s’est lancée dans l'entrepreneuriat au Congo, notamment dans la production de café, avec le tout premier café 100 % produit en République démocratique du Congo.
Pourquoi avoir choisi de vous lancer dans la production de café, spécialement à Kinshasa ?
C'est le secteur du café qui m'a choisi. Mon père, Georges Luabing Mukuna, est un féru d’agriculture et il m’a transmis sa passion. Je suis également convaincue que nous pouvons relever notre économie par l'agriculture et son industrialisation. L'industrialisation et la transformation de nos matières premières sont nécessaires pour le développement des pays africains dont fait partie la RDC. Un chemin obligé pour booster notre croissance et le marché du café est porteur vu qu'il y a une réelle demande mondiale. Après tout, le café est la deuxième marchandise la plus échangée au monde, après le pétrole. La deuxième boisson la plus consommée dans le monde, après l’eau. Il s'en boit 2,3 millions de tasses chaque minute. C’est un marché porteur qui pourrait même relancer notre économie agricole, tel est le cas des pays comme l’Ouganda, l’Ethiopie ou même la Cote d’Ivoire, premiers exportateurs de café. Ce sont tous ces aspects qui me motivent. Le pari de faire pousser du café sur les terres kinoises était risqué, mon père à l’époque en avait fait l’expérience et avait réussi. Alors j’ai retenté le challenge et ça pousse toujours. De plus, le fait que la plantation soit à Kinshasa est aussi un signe distinctif vu qu'il est rare d’avoir du café dans cette région et nous voulions souligner notre particularité.
QuQuelle est l’envergure de La Kinoise aujourd’hui et où est-ce que votre café est-il torréfié et emballé ?
Sur la plantation nous employons quatre ouvriers agricoles et deux saisonniers au moment de la récolte. Nous nous faisons également aider par un agronome certifié tout au long de l’année. Une fois la récolte effectuée. Nous décortiquons et séchons le café sur une table de séchage que nous avons construite nous-mêmes ; puis envoyons notre café vert à l’ONAPAC (Office national des produits agricoles du Congo (anciennement) et à l'Office national du café), qui le torréfie et le moud.
Enfin l’emballage se fait dans notre atelier avant de l’envoyer à notre partenaire distributeur, Vendis World qui est une société congolaise. Tout ce travail est encadré par moi-même et deux chefs de projet La Kinoise dont un spécialisé dans la logistique et un graphisme).
Où sont vendus vos produits ?
Nous avons débuté la commercialisation cette année et les produits sont disponibles chez S&K, City Market, Monishop, Surprise Tropicale, Noosy Coffee, mais nous continuons à travailler avec Vendis World pour étendre nos points de vente. Nous voulons être accessible partout à Kinshasa puis dans le reste du Congo, avant de viser l’international. Nous voyons grand et croyons en notre marque.
Quels sont les différents types de café que vous commercialisez ?
Nous avons de l’Arabica, un café doux qui accompagnera bien la fin d’un repas. Le Robusta, un café intense, plus corsé avec plus de teneur en caféine. L’Arabusta, une alliance entre l’arabica et le robusta. Le Mochaccino , un mélange de cacao et café. Savoureux et doux, le Mocha convient à tout le monde et surtout ceux qui sont sensibles à la caféine. Mais bientôt nous étendrons notre gamme de produit en introduisant du café en unidose pour satisfaire tous les profils et portefeuilles.
Comment se présente le secteur du café en RDC, en termes de volume de production et vente ? Comment la marque La Kinoise se positionne-t-elle par rapport à la concurrence ?
Il y a quelques décennies, le Congo était un grand exportateur de café. Mais, aujourd’hui, nous avons perdu nos lettres de noblesse et même l’habitude d’en consommer. C’est un beau défi de le réintroduire dans nos mœurs et il est important que nous soyons les premiers consommateurs de ce qu’offre notre terroir congolais.
Imaginez-vous que des pays comme le Brésil exportent 900 000 tonnes de café par an et le Vietnam plus de 750 000. De l’autre côté de la balance, l’Allemagne importe 1 million de tonnes de café par an, et l’Italie 500 000… C’est colossal ! Si le Congo entrait dans l’échiquier et, de façon plus large, arrivait à industrialiser sa production agricole générale, nous pourrons relancer notre économie.
La plupart des caféiculteurs vendent leur café aux grands groupes qui le transforment ailleurs pour finalement nous revenir en supermarché à des prix élevés. La réalité du marché du café congolais est que nous sommes trop peu nombreux à transformer notre café, car cela nécessite un équipement coûteux et une certaine technicité. Nous faisons concurrence à de grands groupes et l’aide donnée par le gouvernement semble flou. On nous parle de subventions, mais il est difficile de cueillir les informations justes et donc de postuler. La Kinoise se veut être le café de tout le monde, accessible et de qualité.
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Comment comptez-vous pérenniser les activités de votre groupe, en général, et de la marque la Kinoise, en particulier ?
Concernant La Kinoise, il est tout d’abord important de réintroduire le café comme boisson à part entière mais aussi de pousser à la consommation locale, notamment avec une campagne de promotion du made in Congo. A cet effet, j’ai réuni d’autres entrepreneurs qui font des produits locaux : confiture, pain, thé, jus, yaourt. L’idée était de faire une vidéo où l’on montre un petit déjeuner avec des produits 100% congolais. On espère que cette vidéo fera écho auprès des ministères de l’Economie ou même de l’agriculture.
Pour pérenniser les activités de La Kinoise et au-delà des entrepreneurs agroalimentaires, il faut soutenir le marché local en mettant en avant le savoir-faire congolais ; éveiller les consciences en quelque sorte. En outre, je ne le dirai jamais assez, industrialiser nos productions pour pouvoir transformer nos matières premières. Nous avons assez de terres fertiles pour nourrir le pays entier si ce n’est le continent. Mais, nos routes délabrées, les nombreux péages entre chaque ville, le manque de machineries nous font passer à côté d’une révolution agricole et industrielle nécessaire au développement du pays et à la sérénité du marché local.