Les œuvres congolaises font partie des quinze mille que détient la ville portuaire belge, où est actuellement organisée l’exposition « 100X Congo, un siècle d’art congolais à Anvers », qui se déroule du 3 octobre au 28 mars 2021 au Museum aan de Stroom (MAS) à Anvers, avec comme commissaires la belgo congolaise Nadia Nsayi et Els De Palmenaer, conservatrice de la collection Afrique et coordinatrice des acquisitions de collections au MAS.
La ville d’Anvers développe sa collection d’art africain depuis 1920. Au cours de cette année, Louis Frank((1868-1937), secrétaire aux Colonies, a effectué un long voyage à travers le Congo. Il a apporté plusieurs objets et en a fait don au Vleeshuis, un musée à Anvers. En outre, toujours en 1920, la mairie d’Anvers a acheté mille six cents objets d’art du Congo auprès du marchand d'art Henri Pareyn (1869-1928). La collection s'est ensuite régulièrement élargie. La ville compte actuellement quinze mille objets d’art africains, dont cinq mille d'entre eux sont congolais. Une centaine d'objets sont présentés à l'exposition. Une des œuvres exposées représente le chef Nkolomonyi de Songye qui s'est rebellé contre le colonisateur belge. Il a été condamné à mort. Sa statue a été volée par les Belges. Via le marchand Paul Osterrieth, elle s'est retrouvée à Anvers et maintenant au MAS, indique le Tijd.be. Le MAS travaille actuellement avec des chercheurs congolais pour cartographier l'origine de la statue. S'il y a une demande officielle de restitution, le conseil municipal d’Anvers prendra une décision à ce sujet.
En outre, explique la chaîne belge VRT, l'une des questions posées est de savoir où se situe l'avenir de cette collection. Ici ou au Congo. «C'est un peu trop facile de dire que ce sont des œuvres d’art volées», explique Nadia Nsayi, citée par la chaîne. "Nous ne connaissons avec certitude que l’histoire d’une seule pièce. Nous ne connaissons pas l'histoire de la plupart des pièces. Le défi est donc d'enquêter plus avant et de savoir comment et pourquoi ces pièces sont arrivées ici. Mais beaucoup de coloniaux qui en ont beaucoup n’accordaient guère d’attention à l’identité des fabricants. »
Un dialogue avec les belges d’origine congolaise
Pour cette exposition, le MAS collabore avec des artistes, cinéastes et chercheurs belges et congolais et entame un dialogue avec les Anversois d'origine belge et congolaise. Patrick Mudzekerza, écrivain, artiste et directeur du centre artistique Waza de Lubumbashi, invite le public à porter un regard critique sur l'exposition avec des interventions poétiques. Dans le film « In Many Hands » du collectif cinématographique belgo-congolais Faire-Part, vingt-cinq personnes d'Anvers et de Kinshasa donnent leurs avis sur la collection et la question de la restitution des œuvres d’art volés.
L'exposition débute avec la période du 16e siècle, bien avant même qu'on ne parle de Léopold II, pour encadrer l'ensemble de l'exposition. Au XVIe siècle, explique Els De Palmenaer , il y avait déjà un contact européen avec l'Afrique via les navigateurs portugais. Seuls quelques objets d’art ont été préservés de cette période, dont certains sont actuellement visibles dans le cadre de l’exposition « 100 X Congo ».
Honorer les Congolais morts lors de l’exposition universelle
La ville d’Anvers a organisé trois expositions universelles, en 1885, 1894 et 1930. Pour l'exposition universelle de 1894, cent quarante quatre femmes, hommes et enfants congolais ont été exposés des villages reconstruits pour la circonstance. Selon des documents d’archives consultés lors des préparatifs de cette exposition, sur ces cent quarante quatre Congolais, quarante-quatre sont tombés gravement malades et huit d'entre eux en sont morts. Ces Congolais inconnus sont nommés dans l'exposition et leur histoire est également racontée. «En tant que ville, nous cherchons comment nous pouvons les honorer de manière appropriée. Leurs restes ont été enterrés dans le cimetière sur le Kiel et, après que le cimetière a été nettoyé, ils ont été déplacés vers la fosse commune sur le Schoonselhof. L'intention est d'y installer une plaque commémorative ou un monument pour ces huit personnes », a expliqué Nabilla Ait D'Aoud, échevine de la culture à la mairie d’Anvers. Pour cette dernière, à travers cette exposition, le MAS veut contribuer au débat social sur le passé colonial de la Belgique dans une perspective de la ville d’Anvers et le musée regarde également vers l'avenir, à travers un dialogue avec les communautés concernées au Congo et dans la diaspora.