Dans une conversation délivrée au rédacteur en chef de Devex, Raj Kumar sur YouTube, la secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA) a fait part de ses inquiétudes sur les besoins des économies africaines.
Vera Songwe est revenue sur la dette de l'Afrique et la voie à suivre. Les pays africains ont besoin de plus de capitaux alors qu'ils s'efforcent de consolider leurs économies "saignantes" à la suite de la crise de la Covid-19, et ce soutien peut prendre de nombreuses formes: suspension et restructuration de la dette, plus de financement multilatéral et une initiative de liquidité et de durabilité", a indiqué Vera Songwe. "Sur le plan économique, l'Afrique saigne. Plus la crise prend du temps, plus elle deviendra douloureuse, plus il faudra de temps à nos économies pour rouvrir complètement. Nous commençons à voir un effondrement de nos économies", a déploré la secrétaire exécutive de la CEA. "
Le coût d'emprunt pour les pays africains est beaucoup plus élevé que pour les pays les plus riches, souvent en raison des risques perçus", mais Vera Songwe plaide pour une initiative qui aiderait à uniformiser les règles du jeu et à construire certaines infrastructures financières dont disposent les pays les plus riches, pour stabiliser leurs économies à la suite de la pandémie. Alors que les discussions sur la dette sont essentielles, les pays africains doivent encore pouvoir se tourner vers les marchés de capitaux privés pour accéder au financement, ce qui est rendu plus difficile par la Covid-19. C'est l'une des raisons pour lesquelles Vera Songwe et d'autres en Afrique font pression pour que le Groupe des 20 principaux pays soutienne la Facilité de liquidité et de durabilité, ce qui réduirait les coûts d'emprunt pour les gouvernements et leur donnerait accès à des financements pour traverser la crise.
La crise su coronavirus a brisé l'Afrique dans son élan
Le XXIe siècle devait être le siècle de l'Afrique. « La nouvelle année 2020 marque le début d'une décennie prometteuse pour l'Afrique », proclamait en janvier la Brookings Institution. Un siècle qui devait voir une redéfinition des relations des pays africains avec le reste du monde pour passer de la dépendance à l'aide au développement au partenariat avec les anciennes puissances coloniales, la Chine et les Etats-Unis. Aujourd'hui l'Afrique paie un lourd tribut économique et social, à cause de la crise sanitaire, avec la fermeture de la plupart des grandes économies et la paralysie des transports.
La plus forte récession depuis un quart de siècle
C'est la plus forte récession que connaît l'Afrique depuis au moins un quart de siècle, affirmait Vera Songwe, lors d'une vidéoconférence organisée par l'Agence française de développement ( AFD), en juillet dernier. Quelque 50 millions d'Africains pourraient, selon la Banque africaine de devéloppement (BAD), sombrer dans l'extrême pauvreté sur un continent qui compte déjà 425 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. L'un des risques est de voir cette crise sanitaire et économique se transformer en crise alimentaire en raison de la forte dépendance de l'Afrique à des importations de denrées comme le riz, dont les cours pourraient s'envoler.
La crise et l'intégration régionale
Cette crise pourrait aussi avoir des conséquences géopolitiques inattendues et remettre en cause des changements qui s'opèrent depuis quelques années, notamment au niveau des institutions régionales africaines. C'est le cas de la mise en oeuvre effective de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC). Elle a dû être retardée.
L'autre préoccupation concerne l'absence d'une aide financière massive de l'extérieur. Un moratoire sur les dettes extérieures a été formulé par les ministres des Finances africains. A cause "d'une crise de liquidité due à l'effondrement des recettes budgétaires", a expliqué Vera Songwe. Selon ses estimations, le continent a besoin de 100 milliards de dollars pour relancer le secteur public dont 44 milliards grâce au moratoire sur la dette, le reste étant financé par le secteur privé. Mais comment financer ces montants, les envois d'argent de la diaspora africaine ayant connu une baisse drastique?