Dénonçant le djihadisme grandissant dans un petit village du Mali, rapidement pris d’assaut par une idéologie sans concession, « Timbuktu » est un brillant pied de nez à tous ces hommes qui imposent des lois qu’ils ne semblent pas eux-mêmes comprendre et cerner les conséquences.
« Timbuktu » a été conçu deux ans après que la ville de Tombouctou était tombée entre les mains des islamistes salafistes en 2012. D’où le fait que le tournage n’a pas lieu cette région, mais plutôt à Oualata, en Mauritanie, sous protection de l'armée mauritanienne. Plutôt que d’en tirer un film documentaire, basé sur des faits historiques tangibles, Abderrahmane Sissako a choisi d’illustrer son récit en brossant une panoplie de portraits d’oppresseurs et d’oppressés dont les histoires s’entremêlent.
Des islamistes envahissent la ville et y imposent la charia. Ils bannissent la musique, le football, les cigarettes, procèdent à des mariages forcés, persécutent les femmes et improvisent des tribunaux qui rendent des sentences injustes et totalement absurdes. Malgré la brutalité de leur répression, la population résiste avec courage, souvent au nom d'une autre conception de l'islam.
Sorti en décembre 2014, « Timbuktu » est un appel à la tolérance, la liberté et l’équité dans une société où règne la diversité. Le film est une œuvre atypique qui questionne et inspecte la motivation de ceux qui se mettent au service d’un pouvoir totalitaire, le régime djihadiste ici en l’occurrence. Au fil des séquences, le réalisateur parvient à exprimer délicatement ce qui reste d’altruisme chez ces combattants d’un islam radical et cela passe souvent par le doute.
Formellement, la frayeur, mais aussi la soif du pouvoir et de vengeance font que ces hommes agréent cette philosophie en y appliquant ces intolérables lois auprès d’une population qui semble ne pas cautionner cela, pire être concernée par cette cruauté. Elle lutte intérieurement, parfois même se rebelle avec fierté, à l’exemple de cette jeune femme qui continue de chanter malgré les coups de fouet ou encore ces jeunes garçons qui jouent au football sans avoir de ballon.
D’une durée d’environ 1h 37 min, « Timbuktu » est essentiellement traversé par l’espoir qui depuis la nuit des temps a toujours su faire tomber le voile de l’obscurantisme et du despotisme. Et pour réconforter le téléspectateur dans cette logique, Sissako entoure son film d’un design flamboyant grâce aux prises de vue, cadrages aériens, à la musique poignante… lui conférant une certaine légèreté, en contraste aux drames vécus contés par le film.
Notons que le film a été présenté en sélection officielle au festival de Cannes 2014, où il remporta le Prix du jury œcuménique et le Prix François-Chalais récompensant les valeurs du journalisme. Il a été également récompensé par sept Césars en 2015, dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.