Les experts de la Chambre africaine de l’énergie demandent la suspension par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) de la nouvelle réglementation des changes avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2021. Une décision qui permettrait de lutter pour des emplois décents et rémunérés dans le secteur énergétique africain.
En mars 2019, en effet, un nouveau règlement sur les devises a été adopté par les pays membres de la Communauté économique et monétaire des États de l'Afrique centrale (CEMAC). Ces États, à savoir le Gabon, le Cameroun, la République du Congo, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine et le Tchad, ont mandaté la Banque des Etats de l'Afrique centrale (BEAC) pour restreindre les paiements en devises des particuliers et des entreprises dans ces pays membres.
Ces mesures clés concernent toutes transactions de plus de 1 million de FCFA (environ 1 700 USD) par mois et par entité ou personne. Les entreprises et les particuliers doivent désormais recevoir une autorisation de la BEAC avant d'ouvrir un compte en dehors de la région ; les comptes en devises domiciliés dans la région ne sont désormais plus possibles qu'avec l'autorisation expresse de la banque.
L’institution financière sous-régionale a également annoncé récemment qu'elle préleverait une taxe supplémentaire de 0,5% sur tous les virements en dehors de la zone CEMAC. La nouvelle réglementation demande enfin que le produit des exportations de 5 millions de FCFA et plus soit rapatrié dans les 150 jours à compter de la date d'exportation.
Selon la Chambre africaine de l'énergie (la voix du secteur de l’énergie en Afrique), ces mesures sont insuffisantes, irréalistes et peu susceptibles de stimuler le développement durable. « Nous avons besoin d'entreprises qui peuvent être compétitives et créer des emplois bien rémunérés. Pour cela, nous n'avons pas besoin de réglementations restrictives comme les nouvelles réglementations sur les devises qui doivent entrer en vigueur en janvier 2021. Les entreprises privées, notamment dans le secteur pétrolier, doivent être soutenues », indique le communiqué de cette institution.
Bien que ces experts comprennent la volonté des gouvernements de protéger leurs réserves de changes en baisse suite à la réduction des revenus provenant des recettes pétrolières et gazières depuis la chute des prix du pétrole en 2014 et la récente chute déclenchée par la Covid-19, la Chambre africaine de l'énergie souligne cependant que « le nouveau règlement sur les changes est une réponse mauvaise et inappropriée à ces nouvelles dynamiques de marché. C'est un déclencheur pour plus de bureaucratie, de corruption et c'est le tueur ultime d'emplois. »
La fin des investissements
Les restrictions liées à la nouvelle réglementation de changes entraîneront, d’après les experts africains, un tarissement des investissements étrangers en Afrique centrale. L'accès au financement étranger pour les entreprises locales, qui était déjà un défi, semble désormais insurmontable. Les banques étrangères, les fonds spéculatifs et les autres bailleurs de fonds traditionnels et non traditionnels ne soumettront pas leurs investissements à de telles restrictions. Les entreprises étrangères basées à l'étranger continueront de renforcer leur position pour desservir l'industrie depuis l'étranger, au détriment des entreprises locales et des emplois locaux dans le secteur.
Reconnaissant les perspectives déjà désastreuses auxquelles la région est confrontée, la banque centrale a réduit les intérêts payables sur sa facilité de prêt pour appels d'offres à 3,2% contre 3,5% entre autres mesures, dans le but d'injecter 500 milliards de FCFA dans l'économie. La banque a également recommandé aux États membres de s'adresser à la fois au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale pour un soutien financier contre la covid-19 pouvant atteindre 50 milliards USD.