Mali : des extrémistes défient le gouvernement de transition

Mercredi, Novembre 11, 2020 - 18:37

Après l’arrivée au pouvoir de nouvelles autorités issues du coup d’Etat militaire du 18 août dernier, les violences djihadistes se poursuivent dans le nord et le centre du Mali et se sont étendues aux pays voisins avec des violences intercommunautaires.

Les nouveaux maîtres de Bamako affirment certes leur volonté de poursuivre le combat contre les groupes islamistes qui sèment la terreur dans le pays, mais aucune accalmie n’est signalée après la récente libération de quatre otages, la Française Sophie Pétronin, deux Italiens et Soumaïla Cissé, une haute personnalité politique malienne, en échange de 200 détenus réclamés par les terroristes. Les perspectives d’une paix sur le terrain après cette opération se sont évanouies puisque dès la mi-octobre, 12 civils, 11 militaires et un casque bleu ont été tués dans des attaques et explosion attribuées aux djihadistes.

Pourtant l’homme fort de la junte, le colonel Assimi Goïta, désormais vice-président, avait dès la mise en place du gouvernement de transition, promis de gagner la « guerre » contre les terroristes et exprimé son soutien à la force française Barkahne et à la Mission des Nations unies au Mali ainsi qu’à la force du G5 Sahel qui réunit cinq pays dont le Mali.

Dans la partie septentrionale et au centre, les violences djihadistes sévissent contre les symboles de l’Etat, assorties d’affrontements entre les Peuls, majoritairement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon pratiquant essentiellement l’agriculture. Des hommes armés y encerclent des villages, tuent leurs habitants et procèdent quelque fois à des enlèvements de personnes qu’ils rencontrent, signalent les médias maliens.

De plus, des villages entiers sont parfois assiégés pendant plusieurs semaines par des hommes armés présentés comme des islamistes. C’est le cas de Farabougou, situé à quelque 400 kilomètres au nord de Bamako, qui met à l’épreuve les nouvelles autorités de transition. Cette localité est prise dans un tourbillon de violence depuis l’apparition en 2015 d’un groupe djihadiste conduit par le prédicateur peul Amadou Koufa, affilié à Al-Qaïda.

La situation qui prévaut dans la zone a conduit l’armée et l’actuel vice-président à se rendre sur place pour « traquer les terroristes », confie un responsable au ministère malien de la Défense qui a requis l’anonymat.

Paris en désaccord avec l’UA et Bamako sur le dialogue avec les djihadistes

Les violences qui se poursuivent au Mali constituent un test pour les nouvelles autorités de transition installées en septembre par les militaires qui ont déposé l’ancien président élu Ibrahim Boubacar Keïta en août, estiment des analystes. C’est pour cela que les nouvelles autorités ont fait de la lutte contre la dégradation sécuritaire constante, l'un des facteurs primordiaux de la chute de Ibrahim Keïta, l’une de leurs priorités.

Du fait des attaques terroristes récurrentes, l’Union africaine (UA) et Bamako appellent à « explorer le dialogue avec les extrémistes » pour faire taire les armes, non seulement au Mali, mais aussi dans le Sahel, après huit ans de crise sans issue en vue. « Le moment est venu de revisiter et d’adapter les stratégies de stabilisation de la région du Sahel pour les unifier », pense Smaïl Chergui, commissaire à la paix et à la sécurité de l’organisation continentale, allusion faite au dialogue avec les islamistes.

Le Premier ministre malien de transition, Moctar Ouane, soutient la même option et rappelle que le « dialogue national inclusif » tenu fin 2019, avait « très clairement indiqué la nécessité d’une offre de dialogue avec les groupes armés » djihadistes. « Il faut voir dans ce dialogue une opportunité d’engager une vaste discussion avec les communautés afin de définir les contours d’une nouvelle gouvernance », relève-il, en prônant une « coordination » avec les partenaires du Mali, « notamment ceux qui interviennent sur le plan militaire », au premier rang desquels figure la France.

Or Paris est opposée à l’UA et Bamako sur la question du dialogue avec les insurgés, arguant que les groupes islamistes liés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique n’ont pas signé les accords de paix de 2015 négociés à Alger et poursuivent, voire même intensifient leurs actions depuis cinq ans, faisant des centaines de morts. « On ne peut pas dialoguer avec les groupes djihadistes qui n’ont pas renoncé au combat terroriste », a dit la ministre française des Armées, Florence Parly, lors de sa récente rencontre à Bamako avec les dirigeants maliens. Une occasion qui lui a permis d’annoncer la mort de plus d’une cinquantaine de djihadistes tués par Barkhane.

Nestor N'Gampoula
Légendes et crédits photo : 
Assimi Goïta et le président Bah N'daw
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