Ayant reçu en ampliation la correspondance de l’Inspecteur général des Finances, Jules Alingete Key, adressée au président de la République, Félix Antoine Tshisekedi, sur la situation préoccupante des finances publiques en RDC, le ministre des Finances, José Sele Yalaghuli, a, lui aussi, écrit pour donner un autre éclairage sur cette situation.
Sele Yalaghuli relève de prime abord dans la lettre de l’inspecteur général des Finances « plusieurs déficiences et contrevérités ». Le ministre des Finances fait observer : « … Contrairement à ce qui a été affirmé dans cette lettre, l’analyse de la situation des finances publiques relève, depuis fin avril 2020, à ce jour que le financement monétaire du déficit est nul. Ce qui explique d’ailleurs la stabilité relative du taux de change établie entre 2010 et 2017 du francs congolais et du dollar américain au marché parallèle, depuis début juillet 2020, en raison des effets décalés ». Il souligne par ailleurs une confusion entretenue entre le compte général du Trésor qui constitue un stock et l’exécution du plan de trésorerie de l’Etat qui renvoie à un flux.
A propos de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat, fait savoir Sele Yalaghuli dans sa communication au président de la République, « elle est couverte chaque mois à raison de trois-quart et le reste, le mois suivant. Ainsi, à fin septembre 2020, toutes les paies des agents et fonctionnaires de l’Etat ont été effectuées. La paie du mois d’octobre, notamment la queue de CDF 185 milliards, sera complètement exécutée au plus tard le 15 novembre courant ». Et d’expliquer : « Ce chevauchement de la paie entre deux mois résulte, d’une part, de la modicité des recettes (en moyenne mensuelle CDF 544 milliards) et, d’autre part, de l’importance des dépenses contraignantes et non discrétionnaires (en moyenne mensuelle 640 milliards, et ce, sans prise en compte d’autres dépenses d’environ CDF 100 milliards) ». Les dépenses contraignantes, ce sont les rémunérations (CDF 420 milliards), les dépenses de souveraineté, humanitaires et du service de la dette (CDF 220 milliards).
Sele Yalaghuli a aussi répondu à la préoccupation des exonérations abordée par l’inspecteur générale des Finances, et considérée, selon lui, à tort comme une panacée à l’amélioration des recettes. « Le rapport intérimaire vanté par l’IGF n’a jamais été porté à la connaissance du ministère des Finances pour permettre à ce dernier d’apporter la réaction contradictoire, et statuer en connaissance de cause », justifie le ministre des Finances. Et il ajoute : « Lors du conseil des ministres du 25 septembre 2020, il a été recommandé que le rapport exhaustif présenté par le ministre des Finances soit versé à la Commission Ecofin en vue d’en dégager des éléments pouvant être en phase avec celui intérimaire de l’IGF. A ce jour, nous attendons cette réunion de l’Ecofin pour statuer sur les cas dits illégaux, sur la base des preuves documentées. Aussi, dans ce contexte, il est illogique d’instruire des services sur des exonérations qualifiées d’illégales, et dont la teneur n’a pas été portée à la connaissance du ministère ».
Selon le ministre des Finances, aucun rapport n’est soumis aux délibérations du conseil des ministres pour s’ériger en décision d’Etat. Et il fait voir que les rapports de contrôles effectués par l’IGF ne donnent pas lieu à des décisions à priori. Les recommandations résultant de ces constats d’enquête ou d’audit, après avoir été soumises au principe du contradictoire fourni par l’audité, font l’objet d’examen en conseil des ministres avant d’être coulées en décisions exécutoires. Ce qui n’est pas le cas à ce jour. Et le patron national des finances publiques de conclure à l’intention du chef de l’Etat : « Monsieur le président de la République, les contrevérités, les écarts et dérives d’interprétation qui émanent de ce courrier méritent d’être recadrés par un travail professionnel, serein et objectif pour éviter de discréditer l’action gouvernementale dans ce contexte particulier de récession économique, donc de baisse conjoncturelle des recettes liée notamment aux effets collatéraux de la pandémie de covid-19 ».
La lettre d'Alingete
Dans sa correspondance adressée précédemment au président de la République avec pour objet en marge « Situation préoccupante des finances publiques », l’inspecteur général des Finances, Jules Alingete Key, affirme qu’à la date du 5 novembre 2020, il se dégage un non-paiement des rémunérations du personnel pris en charge par le budget de l’Etat de CDF 185.252.167.057, sur une enveloppe totale de CDF 421.220.880.894. Et ce, en dépit des recettes de CDF 576.186.234.508,83 réalisés au mois d’octobre 2020. C’est en se basant sur divers rapports établis par les inspecteurs généraux des finances chargés du suivi du compte général du Trésor à la Banque centrale qu’il a présenté cette situation jugée préoccupante des finances publiques.
Selon l’inspecteur général des Finances, il y a eu une augmentation inquiétante des dépenses hors rémunérations alors que, depuis trois mois, les recettes publiques sont constantes. « Etant donné que nous tendons vers la fin de l’année, il est urgent qu’il y ait un recadrage dans l’exécution des dépenses publiques en déterminant clairement les dépenses prioritaires et un encadrement accru des administrations financières des recettes, tâche que l’Inspection générale des Finances s’emploie à faire actuellement », soutient-il dans sa correspondance. Et il avance : « Il est important de porter à la meilleure attention de Votre autorité que les mesures de suppression des exonérations illégales décrétées par le conseil des ministres ne sont pas toujours d’application à la Direction générale des impôts ainsi qu’à celles des Recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participation ». D’après l’inspecteur Jules Alingete, cette alerte adressée au chef de l’Etat est opportune pour que les instructions appropriées soient rapidement données aux services compétents.