Livres : romans africains de la rentrée littéraire

« La danse du vilain », Fiston Mwanza Mujila, Editions Métailié

Pour son second roman, La Danse du vilain, l’auteur congolais Fiston Mwanza Mujila a fait de sa ville natale, Lubumbashi, le théâtre de l’absurde. Entre snif de colle et basses œuvres pour un parrain de la ville, Sanza se débat pour survivre dans une jungle urbaine peuplée de personnages paumés. On y croise un enfant sorcier, un fou à perruque, un caniche, des kadogo (enfants soldats) qui chassent Mobutu du pouvoir, un écrivain autrichien qui arrive tout droit d’un Angola en guerre où de nombreux Congolais partent tenter leur chance au fond des mines de diamants. Là où règne une étrange Madone, « Sainte Patronne des orpailleurs zaïrois de Luanda Norte », qui vit « en même temps en Angola et au Japon » deux siècles plus tôt. Le loufoque le dispute au réel magique, inscrivant La Danse du vilain dans la veine du baroque tropical de l’écrivain angolais José Eduardo Agualusa (Barroco tropical, Métailié, 2011). Tantôt roman choral tantôt pièce de théâtre, La Danse du vilain joue avec les écritures et une langue française que Fiston Mwanza Mujila se plaît à dynamiter avec poésie.

« Mère à mère », de Sindiwe Magona, Mémoire d’encrier

« Mon fils a tué votre fille. » Une Sud-Africaine noire s’adresse ainsi à une Américaine blanche. Mère à mère revient sur le lynchage populaire à Guguletu, un township du Cap (Afrique du Sud) d’une jeune Américaine venue aider à préparer, en 1993, les premières élections postapartheid. Inspiré d’un fait réel, c’est l’un des grands romans sud-africains, pour la première fois traduit en français. Sindiwe Magona donne la parole à une mère déchirée entre son amour pour son fils et un « sentiment profond d’échec personnel ». Retraçant sa vie dans un pays englouti par la violence raciste et patriarcale, la narratrice plonge dans les profondes et complexes racines du mal. Et comprend que son fils, sans avenir, n’a fait que répondre à cette injonction qu’il entend depuis son enfance : « Un colon, une balle ! » Salué par l’écrivain André Brink et Desmond Tutu lors de sa parution en 1998, le roman, Mère à mère, annonce toutes les difficultés de la réconciliation post-apartheid et livre une écriture profondément humaine et féministe.

Boris Kharl Ebaka
Vendredi, Novembre 20, 2020 - 13:21
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