Présidentielle centrafricaine: l’invalidation de la candidature de François Bozizé, fait-elle craindre les tensions?

Mardi, Décembre 8, 2020 - 13:28

Issu d’une ethnie majoritaire dans le pays, l’ancien président qui devait être le principal adversaire de l’actuel chef de l’Etat, Faustin Archange Touadéra, a été écarté de la course par la Cour constitutionnelle. Une décision qui ne fait pas l’unanimité dans le pays où l’on redoute des manifestations de mécontentements, voire des violences en soutien à cet homme au passé sulfureux, mais toujours populaire dans une frange importante de la population.

La Cour constitutionnelle justifie l’invalidation de la candidature de François Bozizé au fait qu’il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international datant du 31 mars 2014 pour les motifs d’assassinat, d’arrestation, détention, séquestration arbitraire, torture, exécutions sommaires et extrajudiciaires... Elle met aussi en avant les sanctions onusiennes renouvelées au Conseil de sécurité en juillet 2020. « Le candidat fait l’objet de sanctions » de l’ONU et « il déroge au critère de bonne moralité inscrit dans le code électoral », indique la présidente de la Cour constitutionnelle, Danièle Darlan.

Pour Christian Olivier Guenebem, directeur de campagne de François Bozizé, les raisons évoquées par l’institution ne convainquent personne. « Ni le mandat d’arrêt, ni les sanctions ne constituent des condamnations et il continue de bénéficier de la présomption d’innocence », dit-il, prévenant que « viendra le temps de la réaction ». « Très sincèrement, je puis vous dire que nous ne sommes pas totalement surpris, mais circonspect, quant aux arguments qui ont été avancés. Puisque nous avions ouï dire, depuis un temps, que le pouvoir en place était dans toutes les manœuvres pour invalider la candidature du plus sérieux candidat en face d’eux », a-t-il poursuivi.

Le secrétaire général du parti de François Bozizé pense que l’exclusion de ce dernier ne fera qu’attiser des tensions : « Vous allez voir la réaction des gens à l’invalidation de la candidature de Bozizé ! Nous ne sommes pas des extrémistes, mais cette situation d’injustice va nourrir de la haine, des ressentiments, des rancœurs. C’est ce que nous craignons aujourd’hui ».

L’ONU appelle les Centrafricains à voter massivement

Ce qui revient à dire que les barricades érigées par les jeunes pro-Bozizé, mais aussi par ceux qui soutiennent Patrice-Edouard Ngaïssona, l’ex-chef de file des miliciens anti-balaka, qui s’est vu également exclure de la course à la présidentielle, après l’annonce de la décision de la cour, ne font que commencer.

Alors que l’on redoutait que des violences émaneraient uniquement du camp Bozizé, des soutiens du pouvoir s’y sont également engagés, puisqu’au lendemain de l’invalidation par la Cour constitutionnelle de la candidature à la présidentielle de l’ancien président, la résidence privée de son fils, le colonel Francis Bozizé, a été perquisitionnée et pillée par des éléments de la garde présidentielle. A Bossangoa, fief de François Bozizé, règne jusqu’à présent un climat délétère.

Si certains acteurs du groupe de travail de la société civile, que dirige Gervais Lakosso, approuvent la décision de la cour, l’opposition accuse, de son côté, l’organe supervisant les scrutins du 27 décembre et la Cour constitutionnelle d’être inféodés au régime. Elle dénonce également la « corruption » qui gangrène le régime de Faustin Archange Touadéra. Malgré cela, l’actuel chef de l’Etat centrafricain, fait figure de favori, face à une opposition divisée.

En attendant la tenue des élections présidentielle et législatives en Centrafrique, ravagée par la guerre civile, le secrétaire général-adjoint de l’ONU pour les opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, appelle la population centrafricaine à se rendre massivement aux urnes à la date prévue. Il estime qu’une forte participation aux élections enverra « un message extrêmement fort » à celle qui est tentée par la violence ou le rejet de ses engagements au titre de l’accord de paix de février 2019. « Plus la participation sera forte, plus les élections seront reconnues comme ayant vraiment exprimé la volonté des Centrafricains », plaide-t-il.

Nestor N'Gampoula
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