Lire ou relire : « Fragments sauvegardés » d’Omer Massoumou

Vendredi, Décembre 11, 2020 - 11:09

D’un style rare et original, les « fragments sauvegardés » édités par L’Harmattan, sont ceux d’un universitaire, spécialiste de poésie contemporaine.

Moulé dans la littérature française, l’auteur de cette poésie emprunte dans l’histoire de sa patrie, le Congo-Brazzaville, les fresques qui inspirent sa plume alerte et majeure. Dans la charnière de la culture franco-congolaise, il crée une écriture hybride d’une poétique raffinée à travers la fluidité d’un langage fort imagé. Couleurs de mots qui disent la dualité existentielle et l’homogénéité des sentiments et attentes des fils et filles d’une même nation. 

La nostalgie des anecdotes lugubres exhumées dans le silence de la solitude, ébats et idylle, la clameur des revendications proches des griots de la négritude font de ce texte atypique par rapport à la plupart des œuvres poétiques congolaises, un hymne d’amour sans frontière ethnique, géographique et raciale. La thématique est certes populaire, mais la démarche est ici personnelle et mature.

Dans son élan patriotique, le poète s’insurge contre certains travers en vogue, comme le libertinage (p.36) et la profanation des morts (p.46). Il ne cache son désenchantement et son indignation face à l’intolérance et au repli identitaire, car généralement on ne trouve les boucs émissaires que dans le parti de l’autre, du côté du plus faible.

« Quand l’aube d’une vie s’efface si vite à l’instar de l’éclair non renouvelé de la modernité, nous cherchons toujours le coupable parmi les plus faibles du groupe, le souffre-douleur par excellence qu’on retrouve dans l’ethnie de l’autre, dans le faible visage de l’étranger.

L’indigène était tué par le colon mais le Congolais est tué par le Congolais ! On meurt toujours de l’autre ! » (p.39). 

La fonction humaniste de l’homme de lettres s’exprime ici, comme chez René Char, par de fragments de textes en prose poétisée, qui tirent du fait endogène le mal universel, et de l’universel le vice exotique. Et de cette dénonciation des vilénies sociétales, s’éveille la prise de conscience du bien commun, toujours à rechercher et à construire ensemble, dans l’altérité. 

Le professeur Omer Massoumou est l’actuel doyen de la Faculté des lettres, des arts et des sciences humaines de l’université Marien Ngouabi. Il est auteur d’essais littéraires, de dictionnaires et de recueils de poésie.

Aubin Banzouzi
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