Ciel de saison : la photographie mise en scène par Baudoin Mouanda

Vendredi, Décembre 11, 2020 - 10:58

Les pieds dans l’eau, des personnages mis en situation entourés des meubles, lits, ustensiles de cuisine, appareils électroménagers, selon l’ambiance de la pièce, tels sont les ingrédients qu’utilise Baudoin Mouanda, photographe de renom qui nous entraine d’un lieu à un autre, avec pour toile de fond les dommages causés par les pluies impétueuses. Des photos saisissantes et frappantes, qui en dépit de la tristesse qu’elles dégagent, redonnent un regain d’espoir grâce aux couleurs gaies et chatoyantes des différentes prises. Des portraits de famille originaux qui trouveront sans aucun doute une place dans nos cocons et bureaux.

« Lorsque la nuit le tonnerre agite le ciel, personne n’ose s’enfermer dans la maison, au contraire, tout  le monde est dehors en train d'observer le ciel…. Chacun essaye de deviner l’ampleur de la menace de pluie ; qu’elle soit grande ou petite, elle n’est pas la bienvenue dans certains quartiers de Brazzaville ». Des propos de Baudoin Mouanda qui témoignent clairement de la détresse de certaines familles à Brazzaville lorsqu’il pleut des cordes.

Baudoin met une fois de plus son grain de sel là où il faut ! Son objectif se ballade devant les victimes d’inondations causées par les pluies diluviennes à Brazzaville, spécialement dans le quartier de Mfilou. « Si vous dormez bien et n’êtes pas inquiétés pendant que les pluies s’abattent en cette saison, d’autres sont anxieux et attendent inexorablement que ces trombes s’arrêtent pour enfin se reposer », explique Baudoin Mouanda qui dénonce tout aussi le laxisme de la population qui attend tout de l’Etat. « Nous avons une part de responsabilité en ce qui concerne la dégradation de nos voies. C’est à nous, population, de retrousser parfois les manches afin de préserver notre environnement vu que c’est nous qui vivons dans ces quartiers et c’est nous qui passons tous les jours dans ces routes », a-t-il souligné.

Un travail qu’il élabore en deux phases : la partie documentaire qui, selon Baudoin, permettra au public de comprendre sa démarche de sensibilisation et d’information sur ces inondations via des images prises au moment des pluies dans certains ménages ou il met en avant les réflexes et postures des victimes. Ensuite la partie purement artistique où le photographe crée une illusion du réel en donnant à ses personnages une direction.

Dans cette série, le travail de Baudoin s’apparente donc à celui d’un metteur en scène : mis en situation ou en scène des personnages, la constitution du décor composé de(meubles, de lits, d’ustensiles de cuisine, d’appareils électroménagers), la coloration des murs dans la mesure où, a indiqué Baudoin, « il s’agissait de reconstituer les faits tels qu’ils étaient.  C’est pourquoi j’ai jonglé sur les couleurs chatoyantes et gaies pour redonner de la fraîcheur, de la vie à ces portraits ».  

C’est via le sous-sol (de 160m² qui va abriter une galerie photo) d’une immense bâtisse en construction que le photographe nous fait voyager d’un lieu à un autre.  Résultat, des univers déjantés, uniques et agréablement paradoxaux où l’on peut saisir l’horreur via l’ampleur des dégâts, et de l’autre une sublimation du réel via une mise en scène. Enfants et adultes posent dans l’eau entourés des meubles, appareils électroménagers, lits d’hôpitaux, etc.  « J’ai demandé aux victimes s’il était possible qu’ils se déplacent avec leurs matelas, ustensiles de cuisine…Au départ ils étaient peu enthousiastes, ensuite ils se sont pris au jeu et j’ai pu reproduire l’atmosphère d’un cabinet médical, l’ambiance d’un marché, d’une salle de classe et de quelques ménages », a indiqué Baudoin.

Une approche délibérément picturale et émotionnelle qui a été bien accueillie puisqu’une partie de la collection a été achetée. Ce qui rend évidement Baudoin confiant car, dit-il, «  ce sont ces fonds qui me permettent de financer les travaux de Class Pro culture, centre culturel qui sera opérationnel dans les prochains jours et permettra aux établissements scolaires aux alentours et même aux riverains d’avoir accès à une bibliothèque, un espace pour conte et une salle de spectacle de 120 places assisses », a expliqué Baudouin qui souhaite dès l’ouverture des lieux, initier un festival de photographie entre le Congo Brazzaville et la RDC nommé « Rencontre de la photocopie du bassin du Congo ».

Berna Marty
Légendes et crédits photo : 
Photo 1 et 2: la collection Ciel de saison de Baudoin Mouanda
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