Portrait : Ange Kayifa et son combat pour la femme

Mercredi, Décembre 30, 2020 - 18:15

Jeune artiste camerounaise, récemment installée dans la capitale congolaise, Ange Kayifa a longtemps milité pour le respect et la valorisation de la femme dans une société qu’elle considère comme machiniste. Du haut de ses 23 ans, elle tente de parvenir à bout de sa vision à travers l’art.

Victime des violences physiques et psychologiques dans sa jeunesse, Ange Kayifa a connu un moment de dépression qui s’est soldé par de nombreux échecs auprès des psychologues et Organisation non gouvernementales (ONG) de lutte contre les violences faites aux femmes. Epuisée de tous ces efforts vains, c’est en essayant de trouver quelque chose qui lui permette de s’exprimer librement sans jugement et sans arrière-pensée qu’elle atterrit dans le cercle artistique où depuis quelques années elle pratique la performance, la photographie, le chant, le mannequinat et le design. Pour elle, l’art est la voie par excellence qui lui permette de mieux ressortir ses peines, souffrances et douleurs afin de montrer aux autres femmes ayant connu le même sort qu’elle,  que se reconstruire après un drame, c’est bel et bien possible.

« Vous savez, quand on a subi des violences physiques et mentales, il y a tellement de truc qu’on prend sur soi. On commence à faire une thérapie, mais ce n’est jamais facile de se reconstruire car le processus de guérison prend du temps. Le mieux c’est d’avoir le courage de pouvoir quitter la place de victime pour celle de survivante et c’est ce que j’ai fait à travers l’art », en pense Ange Kayifa.

Dans son parcours artistique, elle ne parle que de violences psychologiques et sexuelles faites aux femmes car pour elle, c’est en brisant le silence que les langues se délieront pour dénoncer sans effroi toute cette barbarie. En tant que victime, elle souhaite davantage faire valoir sa voix pour défendre la cause de la femme, aux côtés de quelques battantes déjà engagées sur les questions de violences faites aux femmes. 

« Tous les jours, sur mes pages Facebook et Instagram, j’aborde les questions de violences faites aux femmes car tant que le fléau subsistera, il faudra en parler. Ce n’est pas que des hommes qui font subir des violences (excision, harcèlement, viol, insulte, coup et blessure) aux femmes. Détrompons-nous, il y a aussi des femmes qui le font de manière directe. Mon objectif est donc de dénoncer le phénomène tout en martelant sur une prise en charge réelle de ces femmes déchirées de l’intérieur », explique-t-elle.  

Ras-le-bol du désintéressement des uns et des autres

Artiste autodidacte depuis 2012, Ange Kayifa s’est perfectionnée au fil des rencontres et événements auxquels elle a eu à participer. Relatant son histoire, elle déplore tout de même un fait : le manque de soutien considérable apporté aux femmes victimes de violences basées sur le genre.

Pour elle, la stigmatisation est un fait déplorable, malheureusement toujours en vogue dans la société. « Quand tu dis être victime de viol, on va jusqu’à te demander comment est-ce que tu étais habillé ce jour-là comme quoi une telle méchanceté pourrait se justifier », fustige Ange Kayifa.

A en croire ses propos, la plupart des ONG en charge de cette problématique n’accompagnent pas jusqu’au bout les victimes dans leur processus de guérison et c’est à fortiori un échec.

Aujourd’hui, la jeune artiste espère changer la donne à travers ses performances artistiques et autres actions cadrant dans le même sens. Pour elle, la femme doit également se battre pour son éducation et son indépendance financière. « En Afrique on dit que la place de la femme c’est dans la cuisine et avec le temps, on a fini par comprendre que celle-ci pouvait exercer biens d’autres fonctions », a déclaré Ange Kayifa.

Ainsi, dans son travail elle emmène les femmes et les jeunes filles à rechercher l’indépendance financière. Pour elle, certaines préfèrent continuer de subir de mauvais traitements fautes d’issues de survie.

A l’occasion de la célébration de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes, elle avait livré aux ateliers Sahm une performance accompagnée d’une exposition-photo intitulée « Silence » à travers laquelle Ange Kayifa exhortait la femme à faire entendre sa voix et à se relever pour servir sa société.

Merveille Jessica Atipo
Légendes et crédits photo : 
1- Un cliché de l’exposition « Silence »/DR ; 2- Ange Kayifa, l’artiste pluridisciplinaire camerounaise/DR
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