Art de scène : Schadrack, la danse jusqu’au bout des ongles

Samedi, Janvier 30, 2021 - 17:52

Envoûté par le tam-tam, emporté par la danse, Schadrack est un personnage à part dans la culture congolaise. Un homme un peu secoué d’une dose de folie et de sensibilité à fleur de peau pour un cocktail artistique détonnant.

Placer son nom au Scrabble et vous gagnez la partie !  Missidimbazi Schadrac Meshac Abed-Nego est danseur et percussionniste au Congo-Brazzaville. Avant cela, il est surtout artiste depuis la nuit des temps. «  On dit souvent que l’on ne devient pas artiste, on nait artiste. J’ai dû naitre comme ça. J’ai commencé le tam-tam pour animer une mutuelle de femmes dans laquelle ma mère était inscrite et je n’avais que 7 ans. Cela peut paraître étrange mais j’avais déjà cette sensation d’être habité par des traditions ancestrales comme si je répondais à l’appel de nos aïeux qui délivraient ainsi leurs messages en frappant sur les peaux de ces instruments.  Près de mon école s’entrainait également un ballet mêlant danse et percussions, je m’y faufilais pour assister à leurs répétitions. C’était une sorte d’envoûtement pour moi, j’étais habité par les sons et je rentrais tard à la maison après l’école. Cela m’a valu de nombreuses réprimandes de mon père », dit Schadrac, le visage noyé dans ses dreadlocks. 

Il serait réducteur de résumer Schadrac, fondateur de Titini Na Titini Cie, en tant que danseur-chorégraphe et percussionniste tant il est rare de voir un artiste aussi complet dans l’exercice de l’art qu’il pourrait écrire en lettres majuscules sur son curriculum vitae. L’homme de Brazza manie également talentueusement pinceaux et couleurs, pratiquant l’art mural et le graffiti. A sa palette, il ajoute encore le design intérieur et la sérigraphie, sans compter l’art de la récup’, relookant volontiers converses ou autre paires de jeans.  « Le déclencheur de mes inspirations est quasi instantané. J’ai beaucoup de facilités à m’adapter à mon environnement, à me fondre dans le décor pour me le réapproprier artistiquement parlant », explique Schadrac qui a balayé d’un revers de main, et depuis fort longtemps, toute autre forme d’avenir pour aspirer à vivre de son art.

L’un de ses spectacles, « L’influence de Mâ Mpolo » dessine à lui seul l’étrangeté de cet artiste qui affiche la part sensible de son monde intérieur dans une chorégraphie très personnelle. «  La femme est l’épicentre de la vie sur terre, elle est le cœur du foyer.  Hélas en Afrique, elle n’est parfois pas considérée à sa juste valeur. Dans ce spectacle, j’ai souhaité lui rendre sa place. Pour imager corporellement  les messages que je souhaitais faire passer au public et pour la fluidité de leurs compréhensions,  je me suis mué en femme que ce soit dans sa tenue et même dans son maquillage. C’était nécessaire pour épouser une posture féminine afin de mieux illustrer par la danse les ressentis qu’ont les femmes en général », justifie l’artiste, sensible à l’univers du sexe prétendument faible et dont il apporte la preuve contraire.  L’Art avec un grand A transpire sous tous les pores de sa peau et à Schadrak de scénariser d’autres chorégraphies comme celle évoquant la projection de notre autre corps à travers l’ombre qui l’accompagne.  « Notre ombre est notre part de nous,  je travaille à la synchronisation de cette ombre avec le corps du danseur. Comment expliquer la magie de deux corps parallèles,  entre duel et fidélité absolue ? ».  On laissera la réponse aux pas de danse et aux ondulations du corps de ce véritable artiste à l’imagination fertile et aux œuvres multiples.

 

Philippe Edouard
Légendes et crédits photo : 
Shadrack
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